Fucking hell : parlons clair, il faut et de l’espace et des tripes pour exhiber les neuf maquettes ciselées et placées en forme de svastika avec tant de patience par les frères Chapman.
Théâtre de la guerre
Et pour cause : ces théâtres de la guerre stigmatisent en fleuves de sang l’idée de barbarie, de monstruosité inhérente à l’humanité. 30 000 figurines patiemment positionnées dans un champ de carnage, déferlent telles les légions diaboliques sur un monde qu’elles corrompent à chaque trace et rendent soudain stérile. Partout des têtes coupées, des crucifixions, des tortures, des démembrements, jusque dans les coins les plus obscurs des maisons, dans l’ombre de tunnels qui n’aboutissent nulle part, sous le champignon atomique qui va tout anéantir.
Gigantisme et hybridations
Certes l’ensemble de l’œuvre dénonce le nazisme comme une émanation extrême de ce qui sommeille de plus maléfique en nous. Mais par sa prolifération, son gigantisme, ses hybridations, Fucking hell évoque la boucherie héroïque décrite par Voltaire dans Candide, les scènes les plus atroces d’Apocalypse now, les Triomphes de la Mort peints par Brueghel et ses contemporains, l’Enfer de Dante ou de Jérôme Bosch, les Théâtres de la mort de Zumbo, la tétralogie zombi de Romero, les fresques d’Otto Dix, les méfaits multiples d’un capitalisme cannibale incarné par une armada de clowns Ronald McDonald…
Mémoire et avertissement
Est-ce un jeu ? La référence aux maquettes, aux petits soldats de plomb, incontournable, met très mal à l’aise. De même le soin maniaque apporté à chaque figurine, à l’orchestration de cet ensemble, son caractère presque naturaliste. Ces visions atroces tissées de charniers évoquent les photos de presse que nous ne regardons même plus, saturés que nous sommes d’images de mort. En convoquant les horreurs de la guerre, les frères Chapman nous rouvrent de force les yeux sur la Bosnie, le Mali, le Rwanda, la Syrie… Tous ces pays où on a massacré, où on massacrera encore. Leur Géhenne se veut Mémoire et Avertissement : tout cela recommencera.
Et plus si affinités
Pour en savoir plus sur l’univers et les œuvres de Jake et Dinos Chapman, n’hésitez pas à consulter leur site.