C’est avec humour, un brin de provocation et beaucoup de détachement que l’artiste britannique Maisie Brodhead détourne les grands tableaux de maître pour nourrir son inspiration. Avec la série Pearls, elle s’attaque aux portraits féminins du XVIIeme siècle : les modèles, en robe d’époque, se caractérisent par une attitude très distancée de nymphes précieuses … et des rangs de perle, splendides mais perturbants.
Collier, laisse ou ancrage ?
Ces colliers s’allongent démesurément, enchaînent cous et mains, alourdissent les épaules, encombrent plus qu’ils n’embellissent. D’autant qu’ils s’échappent du cadre pour couler dans le réel, comme une laisse attachée à un anneau, une corde de pendu accrochée à une poutre … ou un ancrage, un lien de secours ? Les interprétations se multiplient : la femme entravée par la passivité sociale dans laquelle on l’enferme depuis des siècles ? Emprisonnée dans un carcan de séduction passive dont elle aimerait s’évader pour enfin agir, ne plus seulement être un modèle ? Les allures comme les vêtements sont ancestraux, les visages, le médium modernes. Rien n’a donc changé en quatre siècles ?
Idolâtrée, conspuée et seule
Quoi qu’on fasse, la femme demeure une égérie classique, condamnée par les codes de la mode et de la société à être à la fois idolâtrée et conspuée. Et irrémédiablement seule. C’est là le plus étonnant. Pourquoi ces dames ne sortent-elles pas de la toile pour conquérir leur liberté ? Au final, qui les en empêche sinon leurs propres peurs, leurs désirs ? Les noeuds de perles, différents d’un tableau à l’autre, évoquent des psychés torturées. Reste à démêler ces écheveaux, chacune à sa manière et à son rythme. Certains ont déjà bien avancé le travail, d’autres sont encore prises dans un réseau incompréhensible où leurs doigts se perdent. Tout reste à faire.
Pluie de perles
Mais au terme de ce cheminement, quelle réussite ! Pour en avoir une idée éclatante, il faut contempler la vidéo Downpour, conçue comme un portrait mouvant : le collier s’est transformé en pluie de perles arrosant une femme tenant délicatement une orchidée. Une fleur très symbolique, signe de beauté tranquille, de séduction maîtrisée, de sensualité assumée … et d’autonomie virile ; en grec, orchis désigne les testicules. En rompant son collier de perles, la belle a-t-elle enfin acquis l’égalité des sexes ? Elle a en tout cas retrouvé le mouvement, l’intensité franche d’un regard qui se plante dans les yeux du spectateur. L’effet est troublant, c’était le but.
Et plus si affinités
Pour explorer la série Pearls et les autres oeuvres de Maisie Brodhead, n’hésitez pas à vous rendre sur le site de l’artiste.