« Tu pars sur une île déserte : tu emportes quoi ? » On se pose généralement cette question pour s’amuser, en rire, lors d’une soirée entre amis, en répondant à un quiz au bord d’une piscine, entre deux baignades. Malheureusement, d’autres sont amenés à envisager la chose beaucoup plus sérieusement quand il s’agit de fuir leur domicile en feu, leur maison inondée, leur pays au bord de l’implosion. Tous les exilés du monde ont dû faire ce choix, pour ceux qui possédaient encore un petit quelque chose. Avec El Sueno americano project, Tom Kiefer a voulu interroger cette tragédie humaine récurrente.
Quand il ne reste que le « superflu »
Collection de petites cuillères rangées avec soin, mosaïque de pièces de monnaies, arabesques de casques de smartphone, rangées de T-shirts, amoncellement de tubes de dentifrice… ses clichés sont peut-être mis en scène, ils n’en reflètent pas moins une sombre réalité : arrêtés par les gardes frontière d’Arizona, les clandestins mexicains voient leurs effets personnels confisqués, car jugés superflus. Or ce superflu, selon les codes des policiers, c’est tout ce qu’il reste à ces pauvres gens acculés à l’exil par la misère et la faim.
La privation de biens
Cela se passe aux États-Unis, mais cela pourrait arriver n’importe où dans le monde. La privation des biens comme mesure prohibitive et vexatoire, à la fois inutile et incompréhensible : excès d’autorité ? Volonté de décourager le flux migratoire interdit ? On ne sait, mais le dérisoire de la chose frappe au premier regard. Puis vient le malaise : ces entassements ne sont pas sans évoquer les montagnes d’effets volés aux Juifs exterminés par les nazis puis entreposés dans des hangars énormes.
Une question de valeur
El Sueno americano project montre par ailleurs comment les valeurs occidentales de l’argent, de la marque et du loisir ont colonisé les esprits au point de s’imposer parmi des besoins vitaux quand il faudrait peut-être leur préférer nourriture et hygiène… biens de consommation chèrement acquis, la société qui en prône l’usage les retire à ceux qui aspirent à en profiter comme si elle les punissait de leur audace… À croire que ce paradis n’est pas pour tous ?
Et plus si affinités
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