Mon Dieu! Je pensais avoir rédigé une bonne punchline avec ce titre, mais en consultant les critiques de mes petits camarades en mediattitude, j’ai déchanté : nous avons tous exploité la célèbre formule, certains pour le meilleur et d’autres pour le pire. C’est que le film des frères Coen a plu autant qu’il a déçu. Rire ou ne pas rire, telle est la question qui se pose au visionnage de Ave, César ! Et ce n’est peut-être pas la bonne du reste. Car s’il s’agit à la base d’une comédie, ce film présente d’autres facettes qui nuancent largement le côté burlesque du trailer.
Les déboires d’Eddy Mannix
Vous voulez voir ce film ? Zappez la musique et la cadence de cet avant-goût. Eh oui, une fois de plus les communicants, en taillant une bande annonce attractive, ont diffusé une vision tronquée de l’oeuvre, marketing oblige. D’où une pointe de déconvenue quand on embrasse le long métrage dans son ensemble. Beaucoup plus posée que prévue, la narration des déboires d’Eddy Mannix n’est qu’un prétexte pour dresser le panorama d’Hollywood au pinacle d’un âge d’or cinématographique révolu et légèrement nostalgique.
Attention cependant … la folie douce propre aux Coen brothers n’est pas pas absente de ce récit. Personnage central de cette fresque bigarrée, Mannix a vraiment existé, consacrant ses multiples talents à produire du film ET réparer les conneries en série de ses acteurs. Fixeur échevelé devant l’éternel, nous le voyons ici courir après son acteur vedette, enlevé en plein studio, alors qu’il tourne un peplum d’envergure. Dans le même temps, le pauvre homme doit neutraliser des chroniqueuses mondaines jumelles et fouille merde (dans le scandaleux panier de crabes hollywoodiens, elles ne manquent pas de matière première), orchestrer les amours des interprètes entre eux, ruser avec la censure, marier une star aussi belle qu’ordurière et arrêter de fumer.
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Une industrie hypnotique et sordide
Le tout au cœur de ces années glorieuses et perverses des 50’s maccarthystes, entre western, comédie musicale, drame romantique et film historique, avec en prime les grandes crises existentielles de réalisateurs aux prises avec des interprètes de qualité souvent douteuse. On s’y perdrait presque dans le parcours de tous ces personnages, sauf que le véritable héros du film est le cinéma lui-même, dans ce bastion que furent les grands studios hollywoodiens. Une industrie hypnotique et sordide, des paillettes à foison, de l’illusion en quantité, de la fable à qui mieux mieux … et au milieu de tout ça, des scénaristes qui essayent d’insuffler un peu de la logique communiste dans des intrigues façonnées pour servir le modèle américain.
Servi par une palette d’acteurs de haut vol (Clooney est excellent!), rempli de clins d’œil aux chefs d’oeuvre de l’époque, ironique de bout en bout, Ave, César ! doit être pris comme une déclaration d’amour lucide pour une industrie hypocrite en diable, un empire tyrannique et sans pitié mais dont on ne peut jamais se défaire. « There’s no business like showbusiness », c’est bien connu, et si leur discours est sans concession face aux médiocrités de la starisation à outrance, les frères Coen ne veulent y sacrifier l’immense passion qu’ils ont pour le 7eme Art pour rien au monde. Plus drôle que Dalton Trumbo, moins violent que L.A. Confidential, Ave César ! trouve sa vérité, son équilibre dans l’entre-deux de cette haine et de cet amour. C’est ce qui fait son prix, son intérêt, son émotion.
Et plus si affinités
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