La jeune chorégraphe Laura Arend a fait sensation avec Yama l’hiver dernier à Paris. Elle revient à Avignon avec FIVE une création qui célèbre la culture israélienne. Entourée de danseurs issus de la Batsheva et de la Kibbutz Dance Company, Laura Arend sera t-elle la sensation du OFF 2017 ? Interview.
Votre nouvelle pièce est dévoilée à l’occasion du festival d’Avignon, au théâtre Golovine. Que représente ce festival pour une jeune compagnie ?
À une semaine de l’ouverture du festival, je vous répondrais que cela représente une peur immense de l’inconnu mais plus sérieusement depuis toute petite j’entends parler de ce festival incroyable dont la renommée dépasse nos frontières alors pouvoir y présenter 21 fois mon spectacle, c’est juste merveilleux.
Votre compagnie est très jeune. N’est-il pas risqué de se lancer dans un tel défi artistique et surtout financier ?
J’aime les défis. Je suis entourée d’une équipe qui se bat pour que nous existions. Nous n’avons pas raisonné dans ce sens là mais plutôt en imaginant le nombre de spectateurs qu’on pourrait faire voyager, des professionnels qui ont besoin de voir le travail sur scène avant d’envisager un projet en commun, de la presse qui a besoin de nous connaître. Le plus grand des risques est de ne pas prendre de risque et c’est avec l’expérience qu’on apprend et grandit. Quelle que soit l’issue du festival, succès ou échec, nous en sortirons grandis.
FIVErevient sur les cinq dernières années que vous avez passées en Israël. Que représente ce pays pour vous ?
Une surprise. Je devais y rester 5 mois, j’y suis depuis 5 ans. J’ai créé une seconde famille avec mes amis et mon mari. Ce pays est surprenant, loin de toutes les idées qu’on peut avoir avant de le découvrir. Dans Five, je parle de l’Israël que je connais et de celui des danseurs. Nous avons tous vécu ou vivons dans le pays. Nous nous en moquons beaucoup en jouant avec les clichés du quotidien. J’ai imaginé la pièce comme un voyage du sud au nord, c’est une pièce avec beaucoup de couleurs différentes, à l’image du pays.
Sur cette pièce, vous êtes entourée du nec plus ultra des danseurs israéliens issus des compagnies-phares du pays. Comment s’est constitué votre casting ?
J’ai la chance de n’avoir pas eu besoin de faire passer des auditions. Les danseurs qui sont sur scène sont des amis. L’idée première était de créer une pièce pour cinq femmes. J’ai fait appel à Nitsan (le seul homme de la pièce) pour un remplacement sur notre tournée en Inde avec Yama (création 2016 de la compagnie) et je suis tombée en admiration devant cette bête de scène et j’ai donc changé l’idée d’origine. Mes danseurs sont des athlètes, ils sont très physiques avec des capacités assez uniques et surtout des tempéraments très forts. Le processus de création n’a pas toujours été très facile mais j’apprécie l’honnêteté dans le travail. Quand ils n’aiment pas une idée, ils me le font savoir !
Comment une jeune chorégraphe française, dont la compagnie est basée en Moselle, réussit son implantation sur la scène française tout en menant de front des ambitions internationales ?
Les fondements de la compagnie sont basés sur la danse et le voyage. Depuis toute petite ces deux passions m’animent et c’est donc assez naturellement que j’ai décidé de donner cette ligne directrice à mon travail. Nous mettons vraiment autant de passion et d’énergie dans le développement localement qu’à l’international. J’ai envie de partager avec le plus grand nombre et toutes les cultures. Pour Five nous avons le plaisir d’avoir de nombreux soutiens comme la DRAC Grand Est, la Région Grand Est, leCDC Art Danse Dijon-Bourgogne, l’Office Culturel Communautaire Gouvy de Freyming-Merlebach, la SPEDIDAM, le Fonds de soutien du Festival Avignon et Cie, les services culturels de l’Ambassade d’Israël à Paris…
La danse israélienne jouit d’une très belle réputation ces dernières années. Que propose-t-elle de différent par rapport à la danse contemporaine européenne voire française ?
Elle danse. Elle est certainement moins cérébrale. Quand je vois une pièce de Sharon Eyal ou de Batsheva, je ne cherche pas le pourquoi du comment. Je me laisse transporter, submerger par les émotions et émerveiller par les danseurs.
« Faire se croiser les arts et les lieux, c’est faire se croiser les publics. La danse contemporaine reste trop peu appréhendée par le grand public par manque de visibilité. »tel est l’un des objectifs deFIVE(et de la compagnie). Pensez-vous qu’il soit possible de populariser une danse contemporaine exigeante ?
Un grand OUI ! Je pense sincèrement qu’une danse contemporaine accessible et populaire ne veut pas dire moins exigeante, moins précise, moins forte. Au contraire. En créant mes spectacles je me mets souvent à place d’un spectateur qui entre pour la première fois dans un théâtre pour voir une pièce de danse contemporaine et j’ai envie de lui donner les clés mais aussi du plaisir. C’est très personnel et je respecte toutes les formes de danse mais je n’ai jamais pensé qu’une danse contemporaine trop sophistiquée ou trop conceptuelle fasse bouger les lignes.
L’inde avecYAMA,Israël avecFIVE. Vos pièces témoignent de votre amour des voyages. Que sera votre prochaine pérégrination ?
Ce sera l’Allemagne en 2018. Je suis née dans une région frontalière, mes grands-parents parlaient en allemand, notre culture locale est très germanophone et pourtant depuis toute petite j’ai fait un refus total de ce pays. Je ne voulais pas parler la langue, j’allais jusqu’à ne pas vouloir passer la frontière !!! Alors presque 20 ans après c’est juste un bonheur pour moi de me plonger dans cette phase de recherche. J’ai envie de parler de la place de la femme dans la société allemande. Des grandes oubliées de l’Histoire allemande.
Merci à Laura Arend pour son temps et ses réponses.
Et plus si affinités
http://www.theatre-golovine.com/five
https://www.laborationartcompany.com/