Voici donc que nos petits camarades du Bragi Pufferfish inaugurent la Discoslut, soirée dédiée au disco assortie d’une love station, douce appellation pour désigner la backroom de l’événement. Et j’entends déjà certain.es hurler à l’infamie pornographique, plissant leur petit nez d’horreur en imaginant la dépravation à l’œuvre, le sturp, tout ce sexe, c’est saaaaaaaaaaaaaaaaaaale ! Pas bien !!!!!!
Bon, on arrête tout de suite. Car les backrooms font partie de la culture LGBT depuis belle lurette, c’est même un pan conséquent de l’histoire de la libération sexuelle.
Interactions intimes
Petite présentation du contexte pour celles/ceux qui ignorent tout de la chose : les backrooms, « arrière-salles » dans la langue de Shakespeare, sont des espaces discrets installés au sein de certains bars ou clubs de la communauté gay, où les usagers du dit lieu peuvent se rencontrer pour des interactions intimes. Donc rien à voir avec la légende urbaine dite creepypasta.
Là, je vous parle d’un autre truc. Oui, oui, dans le fond, ne chuchotez pas, c’est tout à fait ça : les backrooms, on y va pour avoir des relations sexuelles, c’est l’idée, ou pour regarder éventuellement. Le principe est toujours le consentement mutuel, entre adultes avertis et responsables. Or ces lieux, tout comme les latrines du reste (dixit Les Tasses, superbe série de photos réalisée par Marc Martin) ont joué un rôle significatif dans l’histoire des cultures LGBTQ+.
Explorer sa sexualité
Le concept a émergé dans les années 1960 et 1970, principalement dans les grandes métropoles occidentales comme New York, San Francisco, Paris et Berlin. À une époque où l’homosexualité était largement stigmatisée et criminalisée, les backrooms constituaient des lieux sécurisés pour explorer sa sexualité, rencontrer des partenaires en toute quiétude loin des regards réprobateurs et des rafles de flics. Souvent situés dans les bars, ces lieux étaient dissimulés derrière des portes ou des rideaux, permettant une certaine discrétion.
Véritables refuges, les backrooms ont ainsi participé de l’émergence de sous-cultures et de réseaux sociaux puissants au sein de la communauté LGBTQ+. Avec l’épidémie de sida dans les années 1980, les backrooms deviennent des foyers potentiels de transmission du VIH. Face à la crise sanitaire, de nombreux établissements décident de fermer ces espaces ; d’autres mettent en place des mesures de prévention, telles que la distribution de préservatifs et l’affichage d’informations sur le VIH.
Symboliques backrooms
Relaté par Philippe Poisson dans un article publié sur Qwerk, le procès des backrooms marque un tournant dans la perception de ces lieux les érigeant en symboles du combat pour les droits des homosexuels. Ils restent d’ailleurs encore et toujours populaires au sein de la communauté LGBT+, offrant une alternative aux applications de rencontre et perpétuant une tradition de rencontres physiques et spontanées.
Au XXIe siècle, les backrooms connaissent donc une résurgence, notamment dans les grandes villes européennes. Cette renaissance s’accompagne d’une prise de conscience accrue des enjeux de santé sexuelle. De nombreux établissements collaborent désormais avec des associations de prévention pour offrir des services tels que la distribution de préservatifs, l’accès à la PrEP (prophylaxie pré-exposition) et des informations sur le dépistage. L’association AIDES, par exemple, propose divers outils de prévention du VIH et des IST, adaptés aux lieux de rencontre, y compris les backrooms.
Cette évolution transforme les backrooms en espaces non seulement de rencontre, mais aussi de sensibilisation et de promotion de la santé sexuelle, intégrant des pratiques de réduction des risques et de prévention combinée. Ils ont ainsi traversé des décennies de transformation, passant de refuges clandestins à des espaces intégrés dans des stratégies de santé publique. Leur histoire reflète les luttes, les défis et les résiliences de la communauté gay face aux évolutions sociales et sanitaires.
Et plus si affinités ?
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