Décidément cette semaine, le pôle Musique de The ARTchemists est placé sous le parrainage du hip hop ! Après la chronique de l’album hommage de Guts, nous en remttons une couche avec Baltimore – Where you at ? Et quelle couche ! Bien épaisse, craquelée, rouillée, lourde et savoureuse qui nous balance dans les rues de Baltimore pour y suivre le câble électrique de la club music.
Baltimore, la dévastée, la laissée pour compte de la crise industrielle, économique et subprimesque, Baltimore aux rues désertes, aux maisons vidées par les expulsions, aux quartiers brutalisés par les querelles de gangs … taux de chômage record, population noire frappée de plein fouet par la sauvagerie de ce système inhumain … Quel recours ? La cam’, la délinquance ? Ou la musique comme rempart face à cette précarité constante ? En nous promenant de quartiers en quartiers en un long plan séquence entrecoupé d’arrêts en studio, d’interviews et d’images d’archives, le réalisateur Tim Moreau aka Videomit donne à voir l’histoire d’un combat musical alimenté par la production de la « raw music ».
Un cas à part dans l’histoire du hip hop et du rap, un son typé spécifique à cet univers sans merci, qui se développe en marge de New York et LA, dans un climat de confrontation sociale constant, sur le fil du rasoir « comme un cri de rage » dira l’un des DJ rencontrés au cours de cette exploration, « pour remplir un vide » avouera un autre, « afin de « danser sa douleur » résumera un troisième. Tous les acteurs de cette scène musicale incendiaire ont conscience que leur musique canalise une crise prête à exploser en révolte anarchique à n’importe quel moment. Leur impact ? Concentrer, de manière cathartique, la colère et la frustration, pour recréer du lien, de l’échange véritable, de la communication, de l’espoir. Dans les soirées, dans les clubs, dans les block parties, …
Des acteurs de la vie citoyenne en somme, avec une aura, une mission et un challenge : ainsi Miss Tony ou K-Swift, aujourd’hui disparus, lui gay, elle Djette, qui ont su s’imposer dans cet univers homophobe et macho, pour ouvrir des portes à l’avenir, créer des vocations, susciter de la tolérance, faire vivre et progresser leur ville qu’ils aimaient d’amour. Comme tous les autres, baignés de cette atmosphère de fin du monde qu’on n’en finit pas de combattre : Scottie B, Jonny Blaze, Booman, Jimmy Jones, King Tutt, TT the Artist, Schwarz, the Shake Off Twinz, Precise, Lady Mysterious,… en nous racontant l’histoire de ce style, de ces rythmes, de cette tomalité nés du terreau de la rage et de la désillusion, jamais un rejet, jamais une plainte, toujours la foi en l’avenir, un attachement total à cette cité dévoratrice et sa rudesse qui jamais ne trompe, ne pardonne rien.
La narration, les images, les cadrages accompagnent cette visite dans les recoins de la raw music, captant les solitudes, les ruines et les forces de cette métropole foudroyée mais toujours debout, dans la douceur d’un crépuscule, la grisaille du matin, tandis que les rythmes frénétiques de la BO syncopent cette désolation d’un hurlement récurrent de contestation, un sursaut répété de vie. Ce simple effet de miroir synthétise de manière saisissante l’antithèse culturelle de Bmore si justement nommée. Et sa formidable force de rémission.
Et plus si affinités