Publié en 2017 parTimothé Le Boucher chez Glénat, la bande dessinée Ces jours qui disparaissenta été acclamée pour son scénario brillant et son approche originale. Entre drame psychologique, science-fiction et réflexion philosophique, cette œuvre explore les thèmes complexes de l’identité, de la mémoire et du rapport au temps, plongeant le lecteur dans une histoire déroutante.
Cohabitation forcée entre deux identités
L’histoire suit Lubin Maréchal, un jeune acrobate de cirque vivant une vie simple et passionnée. Un jour, il fait une découverte terrifiante : il se réveille après une journée complète sans aucun souvenir de ce qu’il a fait. Progressivement, il réalise qu’un autre « lui » prend le contrôle de son corps à sa place, vivant sa vie pendant qu’il est inconscient. Ce phénomène, d’abord sporadique, devient de plus en plus fréquent, jusqu’à ce que Lubin ne soit plus conscient que tous les deux jours.
Cet autre « Lubin », bien qu’habitant le même corps, développe une personnalité et des envies radicalement différentes. Alors que le premier Lubin est tourné vers son art et sa vie de saltimbanque, le second semble plus rationnel, voire distant, et poursuit des objectifs qui n’ont rien à voir avec les rêves du Lubin original. Cette cohabitation forcée entre deux identités dans un même corps pose rapidement la question de savoir lequel est le « vrai » Lubin, et comment gérer cette alternance de vies.
Dualité, identité et perte de contrôle
Ces jours qui disparaissent marque les esprits la la richesse et la complexité des thématiques abordées, thématiques philosophiques pour ne pas dire métaphysiques.
- La BD s’interroge sur la notion d’identité. Qui sommes-nous vraiment lorsque nous partageons notre corps avec un autre être, qui semble aussi légitime que nous ? Lubin se retrouve à lutter pour son existence même, se demandant s’il peut encore revendiquer sa propre vie alors qu’il n’en vit qu’une moitié.
- Le phénomène que vit Lubin symbolise aussi la perte de contrôle sur son propre destin. Tandis que son double prend de plus en plus de place, Lubin est spectateur de sa propre vie, forcé d’accepter des décisions prises par une version de lui-même qu’il ne reconnaît pas.
- La disparition des jours pour Lubin évoque une allégorie du passage inexorable du temps, où l’on se sent parfois étranger à sa propre vie. En vivant à moitié, il ressent avec une acuité croissante la perte de ce qu’il ne maîtrise plus.
Suspense constant et style fluide
Autre atout de Ces jours qui disparaissent : une narration subtile et immersive. Le rythme du récit s’accélère au fur et à mesure que le phénomène de Lubin s’intensifie. Timothé Le Boucher instaure un suspense constant, jouant avec le lecteur tout comme Lubin doit naviguer dans cette réalité fragmentée. L’alternance entre les moments où Lubin contrôle son corps et ceux où il en perd la maîtrise ajoute une tension dramatique constante, renforcée par des enjeux émotionnels et existentiels profonds.
Le style graphique, fluide et réaliste, renforce l’immersion dans l’histoire. Les planches sont d’une grande précision ; les expressions des personnages, en particulier de Lubin, traduisent parfaitement l’angoisse et l’étrangeté de sa situation. Le découpage des scènes, d’inspiration cinématographique, crée une sensation de mouvement perpétuel, qui s’accorde avec la progression de l’histoire et l’idée du temps qui défile inexorablement pour Lubin.
Ces jours qui disparaissent interroge la nature même de notre existence, le temps qui nous échappe. Le destin de Lubin Maréchal résonne de manière universelle : qui n’a jamais eu l’impression de perdre le contrôle de sa vie, ou de voir le temps filer sans pouvoir l’arrêter ? Avec cette bande dessinée devenue culte, Timothé Le Boucher a accouché d’une œuvre à la fois intrigante, émotive et profondément humaine, qui marque la mémoire, reste en tête bien après la dernière page tournée.
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