Tandis que la Philharmonie de Paris organise Barbara, sa première exposition consacrée à cette artiste, comme une invitation à découvrir ce que signifie être une femme libre, une femme qui écrit, compose et interprète dans cette seconde moitié du XXe siècle, le catalogue publié par Flammarion et signée de Clémentine Derudille brosse un portrait sensible de l’immense chanteuse française.
Pas de corbeau sur l’épaule
« C’est une diseuse, une diseuse sensible, concernée par ce qu’elle interprète et qui par le charme avec lequel elle chante nous fait entrer dans son jeu ». C’est avec ces mots justes que Denise Glazer, productrice et présentatrice de l’émission télévisée Discorama, définissait Barbara à l’occasion d’une des 19 émissions où elle l’a reçue. Une définition à des années-lumière des caricatures qui stigmatisèrent trop souvent cette « femme qui chante », première auteur-compositeur-interprète de la chanson française à s’imposer dans les années 60 (avec Anne Sylvestre). Précurseuse au point d’en être souvent insaisissable, Barbara a ouvert grand les portes à toutes les chanteuses féminines françaises des décennies à venir. Forcément cela a pu en énerver certains et pousser à l’enfermer dans des cases tout faites, notamment celle de l’intellectuelle, de la Dame en Noir.
« On m’a souvent vu avec un corbeau sur l’épaule. Ce n’est pas cela du tout : je suis quelqu’un de gai. » explique l’auteure d’environ 300 zinzins comme elle aimait à appeler, modestement, ses chansons, épisodes de sa vie, écrites sous le coup d’une émotion personnelle et intime. Gaie, loin d’être une cérébrale dans sa tour d’ivoire, l’artiste sera tellement lasse d’être réduite à de fausses représentations qu’elle se détournera des médias au fil des ans, accentuant par la même occasion le mystère Barbara. Mais de mystères sur l’artiste, il n’y en a plus trace une fois lu le Barbara de Clémentine Deroudille, commissaire de l’exposition Barbara à la Philharmonie de Paris. Au fil des pages de cet élégant catalogue se dessinent une vie et une carrière, accidentée pour la première, exemplaire pour la seconde.
Une carrière exemplaire
Née en 1930, Barbara, de son vrai nom Monique Serf, a enjambé les épreuves avec grâce et vigueur pour atteindre son but : chanter ses textes et jouer ses partitions. Tout au long de sa vie, la chanteuse à la fois mélancolique et populaire voit sa carrière grandir jusqu’au triomphe. De déménagements en déménagements, enfant, Barbara fuit l’occupation nazie avec sa famille. Alors qu’elle n’est qu’une fillette, elle fugue et se rend à la gendarmerie. Lorsque la famille vivait à Tarbes, le père de Barbara l’a violée. La petite fille a voulu porter plainte. En vain : à l’époque, personne ne prend au sérieux ce qu’elle dit. Elle en reparlera, des années plus tard, dans ses mémoires à la fin des années 1990, juste avant sa mort. Cet inceste a duré jusqu’à ses 19 ans, moment où son père a quitté définitivement le foyer familial.
Fuir, toujours et encore. À la fin des années 50, une fois jeune femme, l’artiste en herbe tente sa chance dans des cabarets bruxellois puis parisiens tels L’Écluse jusqu’aux premiers succès qui ont fondé la légende (tous écrits dans la période 64-70 : « Nantes », « Dis quand reviendras-tu », « Une petite cantate », « Le Bois de Saint Amand », « Gottingen », « L’aigle noir »…). Succès d’ailleurs massif qu’elle jugera même perturbant mais qui jamais ne retombera. Chaque année qui passe est publié un album, sont organisés 300 concerts mais un premier échec en 1970 vient perturber la belle mécanique : Madame, comédie musicale et monumentale four aussitôt effacé par le triomphe du single « L’Aigle noir » la même année. Déjà extrêmement populaire, cette chanson fait de la chanteuse une star ultra-célébrée.
La dernière prestation
Les 25 ans suivantes, Barbara accumule les succès et les hommages: Victoires de la Musique, décoration de Chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur, le Grand Prix national de la chanson, le Grand Prix de l’Académie international du disque Charles-Cros et bien d’autres. Épuisée par cette vie d’immenses bonheurs et de malheurs indélébiles, elle donne sa dernière prestation un 26 mars 1994, préférant se consacrer toujours plus à la lutte contre le sida. Là encore elle est précurseur dans le domaine, alertant public et média sur les ravages de la maladie dès 1987.
Elle enregistre ses derniers titres en 1996, accompagnée de Jean-Louis Aubert et de Gérard Depardieu. Elle meurt d’une infection foudroyante le 24 novembre 1997. Photographies rares, manuscrits inédits, archives personnelles, extraits d’écrits, d’interviews et de chansons, l’ouvrage réalisé à l’occasion de l’exposition Barbara, organisée par la Cité de la Musique-Philharmonie de Paris jusqu’au 28 janvier 2018 livre un portrait sensible de la femme Barbara, vibrante, espiègle et drôle, entièrement dévouée à son art.
Et plus si affinités
http://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/musique/barbara