Signée Yasmina Reza, Bella Figura a d’abord été commandée par le légendaire Thomas Ostermeier pour les comédiens de la Schaubuhne à Berlin. Mais ce soir au TNP c’est l’auteur qui s’érige metteur en scène, pour traiter avec un peu plus de légèreté l’univers tragi-comique porté par ce spectacle contemporain.
L’histoire se résume en quelques phrases : un homme se dispute avec sa maîtresse sur un parking quant au choix du restaurant où ils vont se rendre ; soudain apparaissent une amie de son épouse avec son mari et sa belle mère. Quelques quiproquos plus tard, les cinq protagonistes s’embarquent dans des commérages, des moments gênants, mais aussi drôles, des rires teintés d’absurdité. La pièce ne s’encombre ni d’une grande intrigue, ni de multiples rebondissements. La simplicité est voulue, travaillée et analysée. Yasmina Reza ne semble chercher qu’une chose : réussir à mettre en scène la vraie vie.
Pas de belles tournures de phrases, pas de rime ou d’alexandrin, ici on joue comme on vit. On pourrait en effet certainement assister à la même scène à la terrasse d’un café. Cette simplicité à outrance en est parfois troublante. Les décors évidemment ramènent aussi au quotidien. La voiture jaune flambant neuve trouve une place inédite sur les planches du TNP. Les secrets et les étreintes amoureuses se déroulent dans les toilettes, révélées aux yeux de tous, voyage dans l’intimité des personnages, spectacle vite attachant.
Parfois les protagonistes semblent piégés dans leurs étiquettes sociales ; ils sont si bien définis qu’on s’attache à leur défaut et surtout à leur médiocrité. Emmanuelle Devos nous séduit instantanément quand elle s’extirpe de la voiture avec ses talons trop hauts et sa robe trop courte. Cette préparatrice en pharmacie soumise à toutes les névroses se révèle une amante diabolique et une comédienne hors pair. Elle semble chercher à combler son vide existentiel en allumant cigarette sur cigarette. Quant à Josiane Stoleru en grand mère sombrant dans la démence, elle rend le spectacle pétillant.
Pourtant nous assistons au sens propre au spectacle, nous ne cherchons pas à découvrir nos propres failles sublimées. Nous regardons Bella Figura pour nous détendre, observer de l’extérieur une relation amoureuse illégitime dériver vers la déception, des amitiés pleines de faux semblants et un code d’honneur inexistant. L’intrigue volontairement plate met en lumière la réaction des caractères uniquement. Dans ce vaudeville, les petits tracas insignifiants du quotidien deviennent dilemmes existentiels, sans jamais que nous ne parvenions à nous identifier. Le théâtre serait-il mieux que la TV-réalité ?
Et plus si affinités