Diffusée de 2011 à 2014 sur Channel 4, cette série signée Charlie Brooker a défrayé la chronique. En trois saisons dont la dernière fut propulsée par Netflix, la très britannique Black Mirror rappelle magistralement combien les auteurs anglais excellent dans cet exercice, sachant mêler avec maestria scénarii complexes, suspens haletant et critique sociétale puissante.
En l’état, ce sont les progrès du numérique, digital et autre internet qui sont vigoureusement questionnés aux travers d’intrigues plus contre utopiques que rocambolesques. Le miroir noir, c’est l’écran, de l’ordinateur, de cinéma, de télévision, du smartphone … celui qu’on implante dans la rétine, le cerveau et qui modifie la perception du monde et de soi même.
En douze épisodes d’environ une heure chacun, Black Mirror imagine les dérives que pourrait occasionner cet accessoire devenu indispensable à nos vies, et qui en change le cours. Esclaves, voici ce que nous sommes devenus, moralise cet apologue à répétition qui ne nous épargne rien, dans la brutalité, la veulerie, l’ignominie. En dématérialisant la réalité, le numérique a disloqué les relations humaines.
Et devient une arme redoutable car intraçable. Qui transforme les affects, la notion de chagrin, de culpabilité, l’inéluctable même de la mort. On en rirait presque, excepté que chaque chapitre de ce récit horrifique s’appuie sur des technologies éprouvées ou en voie de développement. Sur du concret donc. Et les comportements mis ici en exergue, nous les constatons tous les jours via les réseaux sociaux, les news diffusées sur la toile.
Jusqu’aux dernière élections américaines qui vont dans le sens de ce discours visiblement prophétique : que penser quand on apprend depuis peu que les usagers de la toile relaient des informations erronées, voire des plaisanteries en certifiant de leur authenticité ? Quid des sites qui aujourd’hui font parler les morts aux vivants en imitant leurs discours demeurés dans le cloud ? Qu’en est-il du bashing, du harcèlement, du vol et du détournement des données ?
Non non, Black Mirror n’invente rien et c’est cela le véritable drame, ce sentiment d’impuissance écœurée qu’on éprouve à la fin de chaque feuilleton. Et ce soudain besoin de rompre avec une fascination numérique aussi toxique, qui révèle ce qui sommeille de pire en nous ?
Et plus si affinités