A la base, j’étais partie pour chroniquer Bronx. Parce que j’adore Olivier Marchal, que je suis une amatrice de polars, et que j’ai toujours été intéressée par la nébuleuse mafieuse, de Marseille ou d’ailleurs (avec quand même un petit coup de cœur pour Marseille, ville que j’adore). Et, en visionnant le film tout juste diffusé sur Netflix, m’est revenu en tête Truands de Schoendoerffer, dans lequel Marchal joue du reste. Douze années séparent les deux films, qui connectent pourtant parfaitement ou presque et méritent d’être vus dans la foulée.
Bronx : l’horrible subtilité de la chose
Bronx, donc. Une sanglante fusillade dans un bar de plage, en mode règlement de comptes entre gangs rivaux. La BRI déboule, le beau et borderline Richard Vronski en tête, ce qui déplaît fortement à Costa, en charge de la BRB. On s’aime peu dans la police marseillaise, et les services se font autant de crasses que les dealers entre eux, quitte à flirter avec les clans mafieux, Corses en première ligne. A ce petit jeu-là, on finit vite par retourner sa veste pour jouer dans la cour des délinquants. Et cela peut très, très mal finir pour soi et ses proches.
Adepte du polar brutal et ultra dark, Marchal en remet une couche avec Bronx, sorte de Braquo en condensé sur fond de cité phocéenne corrompue, avec comme point de départ un fait divers bien réel et non élucidé, la tuerie du bar du téléphone en 1978. Marqué par cette affaire qui coïncide avec sa prise de poste dans la police parisienne, Marchal brode un scénario complexe mettant en lumière des personnages torturés, au bout du rouleau, qui, à force de côtoyer le crime, ne distinguent plus la frontière entre le Bien et le Mal. Et se font bouffer.
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Typique de l’univers marchalien, dont les protagonistes portent toujours une puissance d’auto-destruction assez fascinante. Et pour incarner ces « sombres héros de l’amer », Lannick Gautry, Stanislas Merhar, Patrick Catalifo, Jean Reno, Gérard Lanvin, Dani, Claudia Cardinale, Moussa Maaskri, Eriq Ebouaney, Francis Renaud, Kaaris, Erika Sainte, Catherine Marchal, Francis Renaud, David Belle … une sacrée brochette d’acteurs confrontés à une intrigue faussement simpliste, puisque toute l’horrible subtilité de la chose apparaît dans les dernières minutes du film.
Et c’est tout le prix de cette histoire qui sent son vécu, sa rancœur, … son désespoir ? Beaucoup ont considéré Bronx comme une redite des autres oeuvres de Marchal, quand tout indique que c’est une avancée de plus dans la dénonciation d’un univers en décomposition, où, à trop vouloir faire triompher les valeurs de justice et d’équité, on les transgresse de plus belle, et sans pitié aucune. Parce qu’on n’a pas le choix, et que c’est le seul moyen de faire le vide. Pour recommencer de plus belle.
Truands : Microcosmos chez les voyous
Ce qui nous ramène à Truands. Sorti en 2007, le troisième film de Schoendoerffer nous plonge dans l’univers du grand-banditisme, dans le sillage de Claude Corti, gangster notoire versant dans le vol, le racket, le jeu, la prostitution, la came. Et qui va se faire dégommer par plus gourmand et jeune que lui. Parce que c’est la règle dans le Milieu. Une sorte de redite perpétuelle d’Abel buté par Caïn, Judas trahissant Jésus, Brutus poignardant César. Un César aveuglé par un pouvoir qui lui échappe sans qu’il s’en rende même compte …
Trop sûr de lui, vieillissant, pantouflard presque … Corti se fera déssouder … et on saisit le truc dés le début du film, que Schoendoerffer a voulu aborder comme un «Microcosmos : Le Peuple de l’herbechez les voyous », une vision ultra-documentée d’un univers qui n’a finalement rien d’attirant. Les scènes chocs s’enchaînent, inspirées entre autres par le parcours et les méthodes musclées de Claude Genova, caïd originaire de Montreuil, que des tueurs liquideront dans la rue, sans autre forme de procès, probablement sur ordre de ses propres lieutenants.
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Fatalité presque shakespearienne, et personnages hauts en couleur, avides de fric facile, de plaisirs immédiats. Réfractaires à la frustration, à toute éthique. Et loin d’être fidèles, en amour comme en amitié. Le code d’honneur du gangster tel qu’on nous le sert dans les films de genre en prend ici un sacré coup, devant le réalisme cru de certaines séquences proprement insupportables par la banalisation d’une violence totale assumée comme mode de vie. Et c’est ce qui fait la valeur du propos que de faire tomber le mythe du Beau Mec gentleman.
Ici par de personnage ténébreux et torturé, en tout cas mentalement. Tous sont raccords et bien dans leurs pompes griffées, tandis qu’ils butent, violent, martyrisent, volontairement, en toute conscience et sans arrêt. Devant la caméra pour incarner ce panier de crabes, outre Olivier Marchal cité plus haut, Philippe Caubère, Benoît Magimel, Mehdi Nebbou, Tomer Sisley et consort, tous parfaits dans ces profils implosifs, dénués d’empathie. Et Béatrice Dalle, funeste Cassandre qui prédit la catastrophe dans l’indifférence générale.
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Les deux films se rejoignent, se superposent presque, dans l’évocation d’une rotation des pouvoirs, assortie de jeux de massacre particulièrement sanglants. Rien d’attractif ni de séduisant dans ces récits réalistes qui captent avec succès une atmosphère, une ambiance, une logique de vie en marge de la société, qui se nourrit de prédation, et touche aussi bien les voyous que les flics.
Et plus si affinités