A l’origine, la nouvelle de Prosper Mérimée était un véritable drame romantique, idem pour l’opéra de Bizet. Décidée à faire le ménage, Sophie Sara s’empare des mésaventures mélodiques de la belle gitane et de son Don José pour en faire une opérette hilarante sur fond de grève des intermittents, de décors bricolés et d’amateurs nuls certes, mais passionnés. Un avant-goût du résultat ?
Et donc tout le spectacle est comme ça, … ou pire. C’est à en pleurer de rire, sans pour autant brader la qualité vocale et musicale du spectacle, porté par Mathieu Sempéré, membre très médiatisé des Stentors qui ici endosse le rôle du soldat amoureux avec un humour certain et beaucoup d’aisance. A ses côtés, Sophie Sara interprète une secrétaire bombardée Carmen en chef, la fougueuse Ariane-Olympe Girard celui de la timide Micaela, Bertrand Montbaylet joue le directeur du théâtre englué dans une grève sauvage, Philippe Scarami, Bastien Forestier. Quant à l’orchestre, il subit le même régime sévère, réduit qu’il est à trois musiciens, Romain Fitoussi, Antoine Delprat et Julien Gonzalez qui s’appuient la partition de Bizet à la guitare, au saxophone, au violon et à l’accordéon.
On pourrait croire que la brune andalouse pâtirait de pareil sevrage. Il n’en est rien et c’est ragaillardie qu’elle embrasse ce poids plume qui lui donne des ailes. De grosse machine scénique qu’il est devenu au fil du temps et des mises en scène dans moult amphithéâtres aux dimensions gargantuesque, Carmen revient ici aux sources du théâtre et de l’opéra à savoir les tréteaux et le Do It Yourself. Non seulement ça marche au quart de tour, c’est à pleurer de rire, mais en plus c’est digeste comme jamais et on ressort de là ravi et énamouré de l’art lyrique, dont on comprend qu’il est fait pour tous, au même titre que l’opérette, la comédie musicale, le cirque ou le cabaret.
En bref et pour faire cours, Carmen à tout prix puise à toutes les traditions, repositionne l’oeuvre dans un esprit tablao flamenco/bodega bavaroise d’une fertilité incroyable, et rappelle que l’opéra est avant tout plaisir simple et divertissement joyeux. Décomplexer Bizet à ce point, c’est juste un pur bonheur, une jubilation. Aussi ce spectacle est à voir de toute urgence, pour les grands et les petits, les jeunes et les vieux, les rockers et les mélomanes, les parents et leurs enfants, entre potes, en amoureux … Et reste à prier que Sophie Sara et sa bande s’attaquent ensuite à Wagner, Verdi et Puccini !
Et plus si affinités