Ce qu’il y a de bien, quand on emménage, c’est qu’on rouvre ses cartons et qu’on retrouve ses bouquins. Bon, 52 cartons de bouquins, bien lourds, c’est sûr, c’est pas évident à véhiculer mais le jeu en vaut la chandelle. Parmi les trésors que je redécouvre cachés dans les paquets, La Civilisation de la Renaissance de Jean Delumeau.
Les Temps Modernes ?
C’est avec émotion et beaucoup de joie que je rouvre ces pages annotées et serties de post-it. Publié en 1984 dans la collection Les grandes civilisations chez Arthaud (depuis passé sous pavillon Flammarion), l’ouvrage m’a suivie fidèlement durant mes années de thèse consacrées à l’étude de Shakespeare et son environnement. Autant dire que je ne pouvais me lancer dans l’aventure sans avoir une vision claire de la période.
Et à ce jeu, Jean Delumeau excelle, qui débroussaille l’image d’Epinal dictée par les cours de collège pour dresser un tableau à la fois complet et juste de cette période dite des Temps Modernes. La mise au point est musclée qui débute par les grandes fractures de cette époque où la perception médiévale du monde se disloque au gré des grandes découvertes. Il faut tout reconfigurer et nos ancêtres vont puiser aux sources de l’humanisme un formidable élan de curiosité et de créativité, vite distancée par un goût marqué pour le déchirement religieux.
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Un roman d’aventures ?
Nous promenant dans toutes les classes sociales et tous les pays, Delumeau fait émerger les mutations économiques, technologiques, scientifiques, artistiques, militaires qui secouent cette ère pour accoucher du futur. Il aborde d’une plume alerte et claire la pédagogie comme l’horlogerie, l’art de la guerre comme les avancées médicales ou maritimes. Illustrée à bon escient, sa démarche est concise tout en étant complète, débarrassée des tournures alambiquées et incompréhensibles de la pédanterie universitaire pour devenir abordable et passionnante.
Car le style est vif, rythmé et très vite, nous parcourons l’histoire de ce siècle comme on le ferait d’un roman d’aventure. L’ordre même du sommaire fait sens qui enclenche « Lignes de force » consacrées aux grandes innovations intellectuelles, « La vie matérielle » traitant des avancées liées à ces transformations, « Un homme nouveau » dédié à l’émergence d’une humanité plus éduquée, en équilibre entre superstition et raison. Le tout est d’excellente facture, et devrait en édifier plus d’un sur une ère d’autant plus remarquable qu’elle reflète par bien des points notre présent.