Corniche Kennedy : plus belle sera la chute ?

Jeunes, arrogants, paumés, inconscients ? Comment qualifier Mehdi, Marco et leurs potes, qui plongent du matin au soir dans les eaux bleues de Marseille, manquant se rompre le cou à chaque saut du haut des rochers, le long des corniches ? Héroïques ? Rebelles ? Libres ? Fascinants pour sûr, c’est du moins comme cela que Suzanne les perçoit, depuis sa belle villa bourgeoise. La petite fille riche va tout plaquer pour s’intégrer au groupe, trouver sa place parmi ces indomptables. Sauter avec eux.

Adapté du roman de Maylis de Kerangal, le film de Dominique Cabrera explore cette fuite en avant, ce défi permanent, ce cri de liberté, avec la cité phocéenne et ses calanques en toile de fond. Une fureur de vivre dans l’esprit du Sud, entre brassage culturel, quartiers pourris et délinquance ? Quelques moments de fierté, l’occasion de briller quand la société entière se refuse, quand le spectre de l’échec scolaire, du chômage et de la came rôde perpétuellement, unique avenir fantomatique, qui trouble ce paysage de rêve, par moment semblable au paradis ?

Suzanne déboule dans ce microcosme comme une sirène au milieu d’un banc de poissons, harponnant les deux amis Marco et Mehdi. Drame de la jalousie ? Que nenni, les choses seront finalement plus simples, plus profondes aussi, tandis que chacun des protagonistes conquiert sa liberté et sa maturité, pour le meilleur et pour le pire. Des petites Antigone, voici ce que sont ces enfants trop vite grandis, laissés pour compte, qui se réfugient dans la démesure. Dans leur proximité, peu d’adultes, des parents absents ou dépendants, des flics aussi qui cherchent à raisonner, puis à faire acte d’autorité. Sans résultat.

La justesse, la vraisemblance du propos n’ont rien d’étonnant. Cabrera a sollicité l’aide de jeunes plongeurs, rencontrés au hasard de la côte, acteurs amateurs improvisés, qui se révèlent fichtrement doués devant la caméra, complices, malicieux, graves parfois. Follement attachants. Solaires, fragiles et grandioses comme le seraient de jeunes dieux insupportables. Parmi ce casting notons l’aura d’Alain Demaria,qui crève littéralement l’écran avec sa tranquille bonhommie, ce sourire incroyable, une certitude absolue et communicative d’être toujours au bon endroit au bon moment.

L’image symbolique du poulpe, gracieux et puissant, agile mais si maladroit quand il est hors de l’eau, revient en filigrane pour définir ces adolescents, leur prêter une dimension mythique qui rappelle aussi bien le homard de Dolto que l’albatros de Baudelaire. La lumière somptueuse et chaude du ciel, l’éclat de la Méditerranée font le reste, métamorphosant ces êtres en devenir en Icare présomptueux et fous, dans le frisson permanent d’une catastrophe redoutée : plus belle sera la chute ?

Et plus si affinités

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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