Regardez ces unes : pour soutenir ou pour dénoncer, pour commenter, nuancer, éclairer, analyser ou critiquer, elles témoignent de l’onde de choc médiatique internationale enclenchée par l’exécution des membres de Charlie Hebdo. « Encore Charlie Hebdo ???? » grogneront certains, lassés par le gavage médiatique intensif qui a saturé ces dernières semaines. Oui encore. Je sais, vous n’en pouvez plus, et je ne vous cache pas que je craque aussi. Parce que l’info en boucle sans réel fondement hormis l’étalage gratuit de la souffrance et de l’horreur, avec pour objectif de racler de l’auditeur, faire grimper les parts de marché quitte à foutre la trouille à tout le monde et engendrer la panique et la haine, c’est pas mon truc. Ni le vôtre.
Du coup sensation diffuse mais tenace d’être à côté de la plaque, envie frénétique de fermer télé, ordi, radio et d’aller chercher ailleurs des références, des idées, une lecture pour élargir le débat, regarder plus loin, autrement. A ce stade, je le confesse volontiers, la consultation de Courrier International a apporté une bouffée d’oxygène intellectuel des plus régénératrices. Partout aux quatre coins du monde, la presse s’est fait l’écho de l’évènement et de la mobilisation qu’il a engendré. Un paysage de réactions et de réflexions qui soudain nous sort la tête de notre terrier pour adopter le point de vue d’autres pays, d’autres systèmes de pensée, d’autres cultures.
Ce tour d’horizon permet de se distancer du matraque et d’enclencher de salutaires méditations. Déjà car c’est de la confrontation des idées que vient la lumière, ensuite parce que la presse étrangère aborde les choses suivant des angles et des points de vue que nos organes de presse n’envisageront pas forcément. Et nous ne pouvons faire l’économie de cette synthèse. Eh oui, il va bien falloir l’admettre, nous ne sommes pas seuls au monde ; au temps de la globalisation, il est difficile de faire sans les autres. Et c’est là que Courrier international joue un rôle clé, d’observatoire, de sélection, de traduction et de relai. Enfonçage de portes ouvertes ? « Comment donc, la Padmé connaît pas Courrier international? Non mais quelle tanche ! »
Si, je connais, j’ai beau chroniquer du rock et passer ma vie un casque sur les oreilles à écouter du CD tous azimuts, je ne suis pas déconnectée à ce point du monde, … mais prise tout comme vous dans le rythme frénétique des infos déversées en cascade sur les réseaux sociaux pour engorger nos écrans de smartphone et nous poursuivre jusqu’aux chiottes, j’ai éprouvé le besoin de revenir aux fondamentaux. Et Courrier international en fait partie depuis sa naissance en 1990 au lendemain de la chute du mur de Berlin. Passons rapidement sur les conditions de son gestation et sa construction en tant qu’entreprise (la valse de ses logos témoigne de ses mutations successives) pour souligner le rôle de miroir que l’hebdomadaire a joué durant la guerre du Golfe, un relai qui l’enracine durablement dans le paysage médiatique.
Depuis lors, le magazine a fidélisé un public de plus en plus large, faisant des émules à l’étranger avec par exemple un alter égo au Portugal. Il faut dire que la présentation a de quoi séduire et le numéro 1263 dédié à l’ « Après Charlie » a le mérite de remettre les choses à leur place, tout comme les autres opus du reste : articles traduits intégralement ou synthèses, le journal précise les sources, présentant les organes de presse cités, mettant en valeur les origines géographiques, triant les textes en fonction du regard qu’ils apportent, du thème qu’ils traitent. Notons au passage l’abondance d’infographies de qualité … et de caricatures, preuve que le dessin de presse partout règne aux avant postes d’une information conçue comme prise de conscience des réalités de ce monde.
En bref et pour résumer depuis 25 ans le magazine, en épluchant quelque 900 publications, nous sert de loupe afin de saisir les courants d’une pensée planétaire à l’œuvre, avec ses convergences et ses oppositions. Le site complète harmonieusement la version papier pour séduire les ultra-connectés (et ceux qui n’ont pas de sous pour payer les 3,70 euros que coûte chaque édition), tout en conservant cette distance d’observation qui fait sa valeur et sa spécificité. A l’heure où l’on parle de nouveau de « clash des cultures », il convient de scruter avec attention ces dossiers car ils constituent une ouverture vitale sur l’opinion des autres, illustrent au quotidien l’idée même de liberté d’expression en prêtant voix aux Charlies du monde entier.
Et plus si affinités