Le 17 mars dernier, la France entrait dans une période de confinement strict. Une décision soudaine qui a forcé individus et entreprises à s’adapter en quatrième vitesse concernant la question du travail. Ce lundi 11 mai 2020, après presque deux mois de claustration, fin du confinement. Exit l’attestation de sortie dérogatoire, nous allons enfin vers du mieux … ou pas ? Un bilan humain s’impose sous l’angle des risques psychosociaux. En effet, la reprise s’est annoncée il y a un mois. Force est de constater que l’accent a souvent été mis sur le protocole sanitaire qui s’est imposé comme LA réflexion urgente à mener. Rien ou presque n’a été dit sur la question des risques psycho-sociaux et de leur prévention. Je vous propose donc de nous orienter sur ces aspects santé et qualité de vie au travail qui, selon moi, sont aussi importants à mettre en place.
Identifier les facteurs de risques
Ces risques correspondent à des situations de travail qui, selon l’INRS, peuvent combiner stress (consécutif au déséquilibre entre les ressources et les contraintes), violences internes (type harcèlement moral, conflits, …) et externes (tensions familiales, agressions, …). C’est peu dire que ce confinement imposé a multiplié les situations problématiques de mal-être réel chez les salariés. Pour le cabinet Empreinte Humaine, le constat est sans appel. Un mois après le début du confinement, 44 % des salariés étaient en situation de détresse psychologique selon une étude Opinion Way auprès de 2003 salariés.
On imagine l’ampleur des dégâts aujourd’hui. Aussi, avant de songer à relancer la machine, il s’agit d’identifier les facteurs de risque propres à cette crise sanitaire. Beaucoup d’entre nous n’ont pas arrêté de travailler. Nous avons juste arrêté de nous rendre sur nos lieux de travail, ce qui constitue une nuance de taille. Et ajoutons que nous n’avons pas eu le choix : par la force des choses et pour tous ceux qui le pouvaient, le télétravail est devenu la norme, investissant la totalité de nos semaines.
- Nous avons dû puiser dans nos ressources pour nous adapter : organiser un poste de travail, définir nos disponibilités, inventer des outils et de nouveaux process. Bref, nous avons dû réapprendre à faire notre métier. Si le télétravail n’est pas un facteur de risque en soit, ce sont les conditions de sa mise en œuvre qui peuvent être sources de détresse psychologique. Nous n’avons pas tous un espace dédié au travail chez nous, de quoi nous isoler pour travailler. Quid des enfants à garder, des devoirs à faire faire, de la maison à tenir ? Travailler de chez soi au quotidien n’a rien à voir avec du télétravail étalé sur un ou deux jours par semaine.
- Nombreux sont ceux qui ont vu leur salaire baisser (de 20% en général sauf pour le SMIC) avec l’injonction de devoir continuer le travail malgré tout, ou qui se sont retrouvés au chômage technique quand ils n’ont pas carrément perdu leur emploi (vacataires, contractuels, contrats courts et précaires). Beaucoup se sont exposés au quotidien, d’autres ont basculé dans l’anxiété et dans l’incertitude du lendemain : la peur de faire partie de la prochaine “charrette” mais également d’affronter des difficultés financières parfois insolubles.
- D’autres encore se sentent coupables d’être en sécurité chez eux quand collègues et professionnels triment sur le terrain et face à la maladie pour exercer les métiers “indispensables”. Difficile également de poursuivre une recherche d’emploi ou de stage dans un cadre économique plus que fragile.
… pour préparer la suite
Cette quarantaine a impacté autant la forme que la motivation des collaborateurs. Certains secteurs sont durement touchés, comme celui de la culture, et le retour à la “normale” ne se fera sûrement jamais. Il faudra donc soigner à la fois les corps et les esprits. Voici quelques pistes pour envisager un avenir productif dans le respect de la santé et en améliorant la qualité de vie au travail de tous :
- Réparer l’équilibre vie pro/vie perso en encadrant le télétravail
Il nous faut fixer les règles de ce travail à distance et, si besoin, forcer les collaborateurs les plus impliqués à stopper le rythme. Des mesures de cet ordre ont pu être mises en place au Japon où l’on coupe les serveurs de l’entreprise pour obliger les employés à rentrer chez eux.
- Accompagner le retour au travail des salariés au chômage
Bien que ce dernier n’ait été que partiel pour beaucoup, cette période de temps de travail réduit a fortement impacté les mentalités. Organiser des groupes de paroles, mettre en place une hotline, proposer un accompagnement au retour à l’emploi peut s’avérer judicieux pour éviter de voir se développer des pathologies plus graves à l’avenir.
- Détecter et accompagner les salariés en situation de burn-out
Pour certains, la situation n’est plus vivable. Les collaborateurs ne disposant plus de ressources pour faire face sont parfois au bord du gouffre. L’isolement, la déshumanisation liée au télétravail complique la tâche. Il faudra rapidement identifier ces salariés pour les orienter vers le corps médical compétent. Médecin, psychiatre, psychologue du travail, il est important que ces travailleurs soient suivis et l’entreprise doit s’impliquer pour leur permettre d’aller mieux : c’est aussi son intérêt.
- Former le plus grand nombre
Confinés du jour au lendemain, beaucoup se sont retrouvés démunis face aux organisations à mettre en œuvre pour continuer le travail. Il est temps d’agir en formant les collaborateurs. Remote management, ergonomie du poste de travail, équilibre vie professionnelle et personnelle, prévention des RPS, santé et qualité de vie au travail, vastes sont les sujets. Un conseil : s’appuyer sur ses collaborateurs qui feront remonter les besoins directement du terrain.
- Informer
Il importe pour les collaborateurs de savoir où l’entreprise se dirige. Donner de la visibilité sur les formations à venir et en cours, communiquer sur la situation économique et sur la santé financière de l’enseigne, mettre en avant les améliorations du protocole sanitaire, faire connaître les décisions en matière de qualité de vie au travail, tels seront les objectifs des CEO dans les semaines à venir. Il s’agit de réduire l’incertitude actuelle pour redonner de la confiance dans l’avenir et envisager une reprise stable et pérenne.
Alors qu’on aborde le stade délicat du déconfinement, de nombreux défis se présentent pour le monde du travail. Ils ne pourront être relevés que par la collaboration étroite de tous les acteurs : dirigeants, RH, manager, travailleurs, psys, ergonomes, formateurs, spécialistes en prévention des risques,… Passé la stupeur et l’urgence de la situation, il faut envisager de manière plus quiète une digitalisation du travail à un rythme plus doux pour garantir la pérennité des entreprises sans oublier la santé des travailleurs.
Et plus si affinités
A propos du Baromètre “Impact de la crise sanitaire sur la santé psychologique des salariés” Opinion Way pour Empreinte Humaine :