25 000 personnes sur 3 jours de salon : c’est avec une satisfaction de patriarche que Tin-Tin considère les résultats du Mondial du Tatouage 2014, qui en une session s’est haussé en tête de liste des évènements planétaires spécialisés.
L’annonce de la manifestation avait posé le cadre : plus d’espace, des tatoueurs de qualité à l’international, un véritable souci de reconnaissance. Le salon a tenu ses promesses avec une évidence : oui, le tatouage est un art. Si le geste artisanal et les techniques séculaires héritées de différentes cultures sont toujours présents et pour longtemps encore, force est de constater que le milieu affirme comme crédo, outre l’exigence absolue d’une maîtrise du tracé et des différents genres, l’apparition de véritables grandes aiguilles imposant leur style, leur vision du monde, leur approche du dessin.
Parcourant les allées bondées, nous avons distingué de loin en loin les tracés identifiables de Exoskull tattoo, L’Oiseau et Fabien de Belly Button, Old Tattoo Box, Mathias Bugo, Stef Dess, Laura Juan, Nick Bertioli, Niko Inko, Nicoz de Guicho Tatouages, Mikki Bold, Maud Dardeau … sans compter les lauréats des concours bien sûr. Impossible de tous les répertorier qui viennent des quatre coins du monde, tournent de salons en salons, se posant une quinzaine, un mois, chez un tatoueur qui les accueille en guest star comme le faisaient les peintres du XVIème siècle qui perfectionnaient leur art de ville en ville.
Qui dit art, dit œuvre. Parfois même chef d’œuvre quand tatoué, tatoueur et inspiration se rencontrent. Quid alors de la résultante de cette alchimie, ce dessin surgi de l’envie de l’un, du talent de l’autre, de l’imagination conjuguée des deux ? A qui appartient-elle ? La question jusqu’alors ne se posait pas dans ce microcosme voué au secret de la marginalité. Mais aujourd’hui la problématique est autre, à l’heure du tatouage roi, exhibé, montré, revendiqué, affiché, objet de promotion, shooté qu’il est dans les expos photo, les films, les défilés de mode.
Un univers riche de promesses mercantiles, objet de multiples convoitises, que les puristes comptent préserver bec et ongles. Figure de proue de ce mouvement, Tin-Tin, cité dans les premières lignes de cet article, ne cache pas son positionnement en la matière : le tatouage est peut-être populaire, il doit néanmoins être élitiste. Contradictoire ? Non, puisque cette exigence fut au cœur même du Mondial, avant de devenir le point névralgique de l’exposition Tatoueurs, Tatoués attendue pour début mai au musée du quai Branly.
Un tournant que cette exposition qui complète le Mondial ancré dans le présent par un tour d’horizon historico-géographique de la pratique, depuis ses origines tribales jusqu’à ce formidable élan de démocratisation que nous vivons actuellement : et comme fil conducteur, l’avènement du tatouage en tant que geste artistique, avec aux commandes du commissariat d’exposition les spécialistes que sont Anne & Julien, secondés par Tin-Tin comme consultant artistique.
Du coup la question du statut artistique du tatoueur se pose de plus belle, et Tin-Tin d’appeler la mutation législative de ses vœux les plus pressants. Pourquoi ? Pour protéger les droits des tatoueurs, leurs assurer le copyright des œuvres qu’ils ont réalisées lorsqu’elles sont exploitées de façon mercantile : si le tatouage est la propriété du tatoué, son utilisation sous forme de photo, de pub et autre doit assurer des droits de repros et de diff au créateur. A l’heure où le tatouage fait le bonheur des pubs et des films, c’est une urgence.
Autre urgence : préserver la filière. Tout le monde désormais veut devenir tatoueur, parce que c’est fun, stylé … ou financièrement juteux. Des franchises de tatouage comme il en existe pour les coiffeurs ou les salons d’épilation et d’esthétique ? Des écoles et des CAP spécialisés ? Que nenni, inenvisageable et c’est en Cerbère que Tin-Tin se positionne, prêt à défendre l’activité et son identité avec l’énergie, la gouaille et la conviction qui lui sont coutumières. Energie, gouaille et conviction d’ailleurs au rendez-vous lorsque je le rencontre dans son salon de la rue de Douai, où il m’accueille à l’heure du déjeuner, entre repas chinois et vrombissement des aiguilles.
Des amis qui entrent et sortent, lui font la bise, un salut, une plaisanterie, l’ambiance est chaleureuse et complice, studieuse, et concentrée, tandis qu’il répond à mes questions, baguettes à la main, sourire aux lèvres, conviction aux tripes, m’expliquant son point de vue d’un air tranquillement décidé, abordant avec une quiétude égale et assurée la question du statut d’artiste, la présence des femmes dans le monde du tattoo, les projets pour le Mondial 2015, sa collaboration à l’exposition Tatoueurs, tatoués … en tout quelque 20 minutes pour dresser un tableau du tatouage et de ses mutations comme un 10eme art, vu par un grand pro doublé d’un parfait passionné et d’un connaisseur au regard sûr :
Tatouage du Mondial au quai Branly : interview de Tin-Tin by Delfromtheartchemists on Mixcloud
Merci à Tin-Tin pour son temps, son accueil, ses explications.
Et plus si affinités