Apocalypse – La Première Guerre mondiale : cette saga documentaire affiche cinq chapitres aux titres évocateurs : « Furie », « Peur », « Enfer », « Rage », « Délivrance ». Les réalisatrices Danielle Costelle et Isabelle Clarke, auteures très inspirées d’un précédent opus sur la guerre de 40 s’attaque à la Grande Boucherie, ici documentée à partir de 500 heures d’images collectées en Europe et outre-Atlantique (la série résulte d’une coproduction franco-canadienne), images triées avec soin dans l’étonnante masse de témoignages filmés en cette période qui voit l’émergence du cinématographe. Et l’effet est aussi pédagogique que dévastateur.
Quatre ans d’enfer absolu
Deux ans et demi de travail, le conseil d’historiens et de spécialistes en tout genre, furent nécessaires pour réaliser ce pari de recomposer de façon attractive et claire à la fois quatre ans d’enfer absolu. Colorisés au terme de quarante-sept semaines de travail assidu, les souvenirs du conflit sont organisés de telle sorte qu’on y décline les étapes successives de cette guerre, depuis la présentation de la situation initiale, des belligérants, de leurs antagonismes jusqu’aux grands temps de ce ballet de mort, assassinat de l’archiduc d’Autriche, jeu des alliances, mobilisation, créations des différents fronts, glissement vers la guerre de position et enterrement dans les tranchées, … le tout dissèque les différents visages de cette guerre totale, perfectionnement fou des armes et de leur caractère létal, implication des colonies, mutations de la société, bouleversement des forces et des systèmes politiques…
Une dérive atroce
La voix de Mathieu Kassovitz souligne la tension latente, croissante, l’horreur émergente au fil des images, sans néanmoins verser dans un commentaire sensationnalisme ni le pathos que pourrait impliquer le souvenir de ce carnage à l’international. Ici commémorer n’est pas le seul objectif, il s’agit surtout de comprendre le mécanisme qui a engendré cette dérive incroyable, cet enlisement dans l’atroce. On frémit en comprenant que notre modernité est née dans tout ce sang, toute cette bêtise, ce vide. Car c’est ce qui ressort de l’analyse proposée : de grandes familles impériales, des dirigeants enfermés dans leur caste, des sentiments nationalistes exacerbés, une diplomatie incompétente, des industriels motivés par le gain de la fabrication d’armes… Et l’humain dans tout ça ? À la dérive, comme on l’apprend progressivement…
Les fondations d’un deuxième conflit
Le massacre arménien par les Turcs entrés dans le conflit, la résistance héroïque et désespérée du peuple belge, l’éviction de ceux qui, clairvoyants et humanistes, ne voulaient pas de cette guerre (Jaurès par exemple, balayé pour avoir osé s’interposer et rappeler chacun à la raison et au bon sens, criant tout haut ce que nombre de dirigeants redoutaient tout bas dans l’ombre des échanges épistolaires diplomatiques et des confidences de chancelleries), chaque épisode frappe par sa clarté, sa violence. Mieux qu’un cours ou une commémoration, la série déroule le schéma implacable d’une véritable catastrophe humaine, dont les conséquences ébranleront le monde et poseront les fondations d’un deuxième conflit qui ne sera que la continuation du premier, après une pause de 20 ans, histoire de recomposer les rangs des armées avec une chair à canon toute fraîche, docile et prête à l’emploi.
Et plus si affinités
L’ensemble de la série documentaire Apocalypse est disponible sur le site de France.TV.