Le procès des attentats du 13 novembre 2015 vient de débuter. Sept ans ont passé depuis cette nuit d’horreur. Sept années qui ont permis de faire plus ou moins la lumière sur le déroulé d’événements dont le documentaire Les ombres du Bataclan dresse le bilan. Un bilan où les questions abondent.
Des failles incroyables
Scénarisé et réalisé par Francis Gillery, Les ombres du Bataclan revient sur l’enquête parlementaire menée par Georges Fenech pour comprendre ce qui s’est passé … et pointer du doigt des failles assez incroyables dans l’enchaînement des événements. Militaires présents sur site mais refusant d’intervenir sans ordres, préfecture qui interdit à la Brigade d’Intervention de se rendre sur le site pourtant très proche afin de privilégier un autre groupe qui mettra plus de temps à pénétrer la salle de concert … des flops de ce genre, les soixante-dix minutes du film en ciblent plusieurs, qui nous semblent sidérants.
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Empêcher le bain de sang ?
Dysfonctionnements internes, guerre des services, récupération politique sur fond d’élection présidentielle à venir … plus on en apprend, plus on frémit en réalisant qu’on aurait pu réduire le bain de sang. L’empêcher ? C’est l’autre question qui pointe du doigt l’importance vitale des renseignements, en pleine réorganisation après la refonte des différentes entités dans un certain chaos. Le réalisateur fait apparaître ces différents facteurs en les superposant avec le mode opératoire de cellules terroristes particulièrement impliquées et coordonnées qui savent parfaitement jouer des bugs du système.
Agir tous ensemble
Là aussi, le documentaire met en évidence les difficultés des pays européens pour instituer un partage des sources, fluidifier le transfert des informations et des ordres, agir tous ensembles de manière cohérente. Souveraineté de la sécurité nationale versus cohésion inter-européenne : une brèche béante que les terroristes savent exploiter à fond. Et puis il y a un autre côté, terrible : la limite de l’information. Tous savaient qu’un attentat d’envergure allait avoir lieu. Mais où ? Quand ? A ce titre, le témoignage du juge Trévidic, spécialiste de la traque terroriste, est édifiant : rageante, l’impuissance est inéluctable.
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Protocoles inadaptés
Très riche en témoignages et explications apportés par des membres de la sécurité, des renseignements, des politiques, des avocats, Les ombres du Bataclan offre une lecture précise et de cette nuit d’attentats et du terrorisme islamique : on comprend rapidement que nos démocraties n’étaient alors absolument pas prêtes à gérer ce nouveau type d’actions, que les protocoles d’intervention n’étaient pas adaptés, l’appareil législatif et judiciaire non plus. Le tout est mis en évidence de manière rationnelle, avec nombre d’exemples, en évinçant au maximum l’émotion, pourtant toujours palpable.
Un état des lieux
Sept ans plus tard, a-t-on progressé en la matière ? Il y aurait matière, pourtant rien n’est moins certain, au moment où l’Europe se délite, où les communautarismes se multiplient, où les moyens manquent. Là aussi, le documentaire lance l’alarme de manière pertinente, sans jamais verser dans la surenchère spectaculaire, le racoleur ou le sensationnel : rien ne bougera sans la mise en place d’une véritable coopération entre systèmes de renseignement, de sécurité … et diplomaties. Une coopération nécessaire car la menace terroriste, elle, demeure. Bref, il convient de visionner cet exposé qui fait un état des lieux d’une grande clarté, et qui pose les bonnes questions au bon moment.
Et plus si affinités
N’hésitez pas à visionner l’excellent documentaire Les ombres du Bataclan.