C’est le mot qui reste en mémoire après les 84 minutes que dure ce portrait : la solitude. La solitude du passionné, la solitude du nomade, la solitude du marginal. Skater pro de haut vol, le belge David Martelleur, bien connu des contests internationaux où il sut briller avec fougue et folie, est saisi par le réalisateur Philippe Petit dans ces instants troubles où tout échappe.
Le corps déjà, usé par des années d’effort et de fiesta. Le fric aussi, qui s’évapore au fur et à mesure que les sponsors se barrent car on ne sponsorise pas un sportif finissant. Le mental et la confiance enfin quand les doutes et les peurs s’accumulent. C’est cette lente perdition qui doucement apparaît, dans cette errance de cinq ans, sur des routes souvent lointaines, d’un rassemblement à l’autre, pour un peu d’argent, pour la gloire, pour le fun, pour l’exploit, pour la liberté ?
« Skate is not a crime » chroniquions nous pour célébrer les 10 ans du 11 septembre. Tout un symbole. Une contre culture forte, héritée de Kerouac et de la beat generation … mais à quel prix ? Danger Dave fait partie d’une vague intermédiaire de skaters qui ont balancé constamment entre défi de la compet et amour libertaire, incapables de se plier à une règle quelconque. Une désobéissance constante, une marginalité inscrite dans l’ADN et qui saute aux yeux quand nous le voyons les lendemains de fiesta ou dans les rayons d’une bibliothèque où il accomplit des TIG consécutifs à une enième infraction.
Libertaire. Mais contraint aux limites de la nature, de ce corps qui ne suit plus la passion, qui perd l’équilibre, qui s’érode. Et soudain Danger Dave de considérer les vides sidéraux que cet effondrement va laisser : pas de vie affective, pas d’attache, l’isolement. Sur un parking de Thaïlande où il se confesse à la caméra, enfin. Sur un autre parking des USA où il s’engueule copieusement avec Philippe. Sur un troisième parking où un inconnu descend voiture pour lui offrir un sabre de samouraï. Comme ça. Pour lui. Pour rien.
Philippe Petit a pénétré le monde du skate car il voulait à l’origine travailler sur la notion d’adulescent. Avec Danger Dave, il se penche sur le passage à l’âge d’homme. Ses choix, son approche, son film, son sujet enfin sont finement construits, avec une bande originale alimentée en grande partie par M83. Le choix n’est pas anodin car il est face à un individu hors normes, dont les mutations physiques reflètent la lente transformation mentale. Le tout compose un Ecce homo d’autant plus poignant qu’il s’attache à l’univers du ludique et à la quête absolue de liberté.
Et plus si affinités