Rappelons-nous la chronique Le Maître est l’enfant, très pertinent documentaire dédié à la pédagogie Montessori. Virage à 180 ° avec L’Ecole de la vie : ici, c’est le destin d’un groupe de trisomiques chiliens que la caméra de Maite Alberdi met en lumière. Une petite tragédie du quotidien, qu’on aimerait cocasse si elle n’était si lourde de conséquences et de frustrations.
Une impasse perpétuelle
Car Anita, Ricardo, Rita, Andres et leurs amis, s’ils continuent de fréquenter l’école, n’en ont plus l’âge depuis bien longtemps. À quarante ans passés, ils aspirent même à une vie normale, travail, maison, amour, mariage, enfants… un bonheur simple en somme, mais la société ne leur en laisse guère l’opportunité. Enferrés dans un statut d’éternel mineur, dépendants de leur famille, ils végètent dans la constante acquisition de connaissances visant à une autonomie à laquelle ils n’ont guère le droit.
Sauf que certains se sentent résolument adultes, évoluent en tant que tels et entendent prendre leurs décisions par eux-mêmes. Difficile quand les parents, tuteurs légaux, dictent leur volonté, quand le travail accompli est payé au 10ᵉ de sa valeur, quand les lois interdisent l’union des personnes atteintes du syndrome de Down. Nos héros vivent donc dans une impasse perpétuelle, alors que leur espérance de vie s’allonge, les condamnant à l’isolement tandis que leurs proches décèdent.
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Une réalité injuste
S’il est parfois drôle, toujours frais et surprenant, le documentaire de Maité Alberdi est avant tout poignant, car il confronte le spectateur à une réalité d’autant plus inacceptable qu’elle est injuste. En témoigne le drame de la séparation de Anita et Andres, amoureux fous que les décisions familiales vont éloigner sans pitié. Ce qu’aucun couple aujourd’hui n’accepterait, cette liberté du choix sentimental qui marque autant la modernité d’un pays qu’une émancipation individuelle, les trisomiques n’y ont pas droit. Et c’est le cœur en miettes que nous voyons nos deux amants se dire adieu, dans l’indifférence générale, pire, la condescendance la plus vile.
Comme s’il s’agissait de brader un flirt de vacances, dont on aura tout oublié d’ici quelques semaines. De son côté, Ricardo, désireux de devenir propriétaire, s’échine à travailler, pâtissier d’un côté, animateur dans une maison de retraite de l’autre, toujours en charge d’un groupe, un meneur. Il assume des travaux difficiles, pénibles physiquement et moralement, avec le sourire, quand d’autres auraient déjà claqué la porte, mais on le rétribue avec une aumône, pour ne pas dire une insulte, lui faisant par ailleurs la morale quand il envisage de demander une augmentation.
Des êtres humains
Une caractéristique purement chilienne ? Si le film de Maite Alberdi reflète la culture et la société de ce pays, il serait naïf de croire que c’est une spécificité. En France aussi, l’intégration des trisomiques pose question, tout comme celle des handicapés en général, à l’heure où cette population revendique l’accès à l’intégration, dans une période où les aides de l’État se réduisent, où le chômage frappe durement, où la précarité se généralise.
Mais là où associations et politiques agitent des chiffres et des statistiques, L’École de la vie donne à voir des êtres humains, heureux ou souffrants, dans tous les cas acteurs contrariés d’une vie que la communauté leur confisque. c’est toute la différence et à ce titre, ce documentaire est particulièrement éclairant, plus qu’un complément, une obligation morale et un formidable coup de pied dans la fourmilière des idées reçues.
Et plus si affinités
Vous pouvez regarder le documentaire L’Ecole de la vie en DVD ou en VoD.