L’Exorciste: film d’horreur culte, passage obligé pour tout prosélyte du cinéma fantastique. La possession aussi monstrueuse qu’incompréhensible de la jeune Reagan MacNeil, les actes odieux auxquels cette gamine va s’adonner, le sacrifice des deux prêtres qui l’exorciseront, chaque seconde de ce récit intense signé William Friedkin est passée à la postérité. Mais qu’en fut-il en coulisses ? C’est ce qu’aborde le magnifique documentaire L’Exorciste selon William Friedkin.
Un remarquable travail d’introspection
Durant une heure et quarante-cinq minutes, le réalisateur évoque la genèse de son œuvre. Deux expressions accrochent l’oreille : « mystère du destin », « acte de foi ». Le fameux Leap of faith qui titre la version anglo-saxonne de ce remarquable travail d’introspection signé Alexandre O. Philippe. Une master-class, il n’y a pas d’autre mot, qui expulse L’Exorciste du genre horrifique pour le placer en majesté dans le domaine du mystique.
Et d’une réflexion profondément philosophique sur l’humanité avec ses failles et ses forces. D’une voix intense, Friedkin évoque pourquoi il s’est saisi de ce roman, comment il a voulu le travailler, ses exigences en matière de casting, de musique, de cadrages. Peu d’informations sur les effets spéciaux et les maquillages du maître Dick Smith, par ailleurs largement décortiqués et commentés en quatre décennies d’analyses. Le spectaculaire est ici volontairement mis de côté.
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Instants de grâce
C’est plus le montage, l’incrustation des images subliminales, le traitement du son, le travail des voix qui sont ici mis en exergue, ainsi que l’incroyable nombre de références artistiques, picturales, musicales, cinématographiques, littéraires que Friedkin cite, Magritte, Caravage, Rembrandt, Citizen Kane … Et sa lecture de la véritable signification du film, presque shakespearienne, sa quête d’instants de grâce comme autant de petites lumières sur un parcours de violence.
Depuis sa sortie en 1973, L’Exorciste n’en finit plus d’alimenter les angoisses les plus profondes, les admirations les plus passionnées, les dégoûts les plus viscéraux. À raison, tout a été fait pour enfermer le spectateur dans un réseau de ressentis contradictoires, d’une vibration presque intolérable. Un grand huit émotionnel ici mis à plat de manière magistrale pour donner à savourer à sa juste et inestimable valeur un film différent, une œuvre extrêmement construite et raisonnée.
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Quelque chose d’universel, de grandiose et d’abouti. À ce titre, L’Exorciste selon Friedkin rejoint le Jodorowsky’s Dune au panthéon des documentaires aussi pointus et emblématiques que les œuvres qu’ils analysent. Tous deux témoignent d’une période où les films avaient une épaisseur, une tessiture, un frémissement propre. Qui aujourd’hui pourrait réaliser le film de Friedkin comme il l’a voulu, selon sa perception, son instinct ? C’est aussi un certain sens de la production cinématographique qui transparaît dans ce récit. Et la conscience que cette ère est désormais terminée.
Et plus si affinités