“J’aime pas les écrivains” : voici qui résume assez clairement les réticences de générations d’élèves obligés de subir des heures de cours de littérature sans saveur ni odeur afin de préparer des épreuves de baccalauréat insipides et sans grand intérêt. Parmi les bêtes noires de ces chers petits, les auteurs réalistes du XIXeme siècle, Flaubert en tête. Flaubert auquel le réalisateur Christian Clères l’un des opus de sa série documentaire.
Flaubert, punk dans l’âme
“J’aime pas Flaubert” : soit cinquante-deux minutes proprement délectables où des spécialistes, pour convaincre un Clères volontairement réticent, dévoilent un écrivain absolument incroyable, punk dans l’âme, anti-social, sexuel pour ne pas dire porno, une brute de boulot qui mit cinq ans à accoucher de Madame Bovary dont il retoucha les phrases avec une précision maniaque. Madame Bovary qui lui valut un procès pour outrage aux bonnes mœurs, procès qu’il gagna, ce qui était pour le moins inattendu par ces temps de censure impériale.
Humour et amour
Son succès naquit du scandale. Derrière, il y eut Salambô, avec sa débauche de scènes violentes mêlant orgies, massacres, scènes de cannibalisme, L’Education sentimentale et ce héros sans épaisseur qu’est Frédéric Moreau, Un Coeur simple, Bouvard et Pécuchet, un passage infructueux par le théâtre, une correspondance pharaonique où l’auteur se dévoile avec crudité … Autant d’écrits que Yvan Leclerc, Marie-Hélène Lafon, Arnaud Bédouet, Bernard Fauconnier, Gisèle Séginger évoquent avec humour et amour.
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Un révolutionnaire de l’écriture
Professeurs d’université, écrivains, dramaturges, essayistes, tous brossent, documents et citations au poing, un portrait particulièrement vivant et truculent de cet auteur perçu comme un révolutionnaire de l’écriture. Le premier qui rassembla des milliers de références pour documenter ses fictions, qui voulut décrire la platitude du quotidien avec l’emphase d’un Homère, montrer la vérité du corps, de la vie, sa bassesse également, sa crudité … Montrer sans juger.
Le plein d’anecdotes
Un monument de littérature donc, qui multipliait les travers : gueulant ses textes pour évaluer leur justesse, exclusif en amitié, méfiant des femmes et de l’amour, capable des blagues les plus grossières ou de partir voyager en Orient deux ans durant sans envoyer une seule lettre (un comble pour cet épistolaire frénétique) à sa maîtresse Louise Colet qui le vit revenir un beau jour sans s’excuser d’être resté si longtemps silencieux. Des anecdotes de ce genre, le documentaire en regorge.
Un artiste féroce et moderne
Et c’est là le plaisir : mettre Flaubert en lumière tel qu’il fut, quitte à filmer ses différents cadres de vie, sa maison natale, sa bibliothèque, sa villa à Croisset … de plan en plan, ses photographies, son profil collé sur un mur, et la plaidoirie de l’avocat qui le défendit durant le procès de madame Bovary, slamé par le rappeur EXPérimental aka Hassan Guaid. De quoi rappeler l’universalité d’un artiste féroce et ô combien moderne, et réconcilier les plus réticents avec son univers.
Et plus si affinités
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