Des jeunes gens mödernes : un temps où tout semblait possible

Je viens de relire l’article sur le livre de Mirwais. L’épopée de Taxi-Girl prend décidément racine dans un terreau fertile : la période post-punk. 1978-1981 : la précision chronologique n’a rien d’un hasard. Ces trois années marquent un tournant pour la scène musicale hexagonale. Outre Taxi-Gril, c’est l’acte de naissance des Rita Mitsouko, Eli et Jacno, Marquis de Sade, Asphalt Jungle, Kas Product, Marie et les Garçons, Etienne Daho… Certains feront la carrière que l’on sait, d’autres n’y survivront pas. Tous passent à la postérité grâce au documentaire Des jeunes gens modernes de Jean-François Sanz et Jérôme de Missolz.

Les jeunes gens mödernes sont dark

Sorti en 2012 pour explorer cette épopée artistique hors normes, Des jeunes gens modernes tire son titred’un article d’Actuel daté de 1980 et signé Patric Zerbi : « Les jeunes gens modernes aiment leurs mamans » assorti d’une photo des membres du groupe Marquis de Sade posant avec leurs génitrices. Costumes cravates étriqués, mines sombres : le ton est donné, les jeunes gens modernes sont dark. Héritiers du nihilisme punk, ils interrogent la vacuité de l’existence. Rebelles, créatifs, les jeunes gens modernes vont réinventer la musique à grand renfort de synthétiseur. Le son s’en ressent, froid, désincarné, irrésistible cependant.

DES JEUNES GENS MODERNES Post punk, Cold wave & Culture Növö en FRANCE – VOLUME 2 de VARIOUS/p>

Visionnaire absolument

Les textes aussi, qui flirtent avec le romantisme noir, Baudelaire, Rimbaud et compagnie. Expérimental pour sûr, innovant sans conteste, visionnaire absolument : à tel point que l’industrie musicale s’en détournera, les forçant pour certains à se tourner vers la pop, tandis que d’autres s’éteindront à petit feu dans l’oubli et la came. C’est sans compter sur le travail de mémoire de Jean-François Sanz, filmé par Jérôme de Missolz. Leur démarche commune croise témoignages et archives pour donner à voir et à saisir la singularité de cet esprit, de cette esthétique trop avant-gardiste.

Les compromissions de la maturité

Devant sa caméra, les rescapés (Daho, Edwige, Lio, Jacno … ) nous racontent, avec force souvenirs et anecdotes, mais aussi un sens aigu de l’analyse, comme si, depuis longtemps ils passaient au crible le pourquoi du comment d’une ascension aussi spectaculaire qu’éphémère baptisée « culture növö ». Qu’est-ce qui a fait que les jeunes gens mödernes n’ont pas pu passer à l’âge adulte ? Ce statut était-il incompatible avec les compromissions de la maturité ? Une maturité bien morose, tissée de quelques regrets et de beaucoup de nostalgie. Nostalgie que d’aucuns goutteront en visionnant ces images… et en écoutant la compilation qui la devance.

Le son de la culture növö

Edités en 2008 et 2015 chez Born Bad Records, les deux volumes de cette saga rendent hommage aux groupes qui ont animé cette constellation de la culture növö. Une écoute riche d’enseignements : l’actuelle déferlante électronique s’enracine de bien des manières dans ces sons des années 80, où régnaient boites à rythmes, Farsifa et voix monocordes. Un retour aux sources qui en dit long sur l’incroyable inventivité d’alors, dans un temps où les moyens manquaient cruellement, mais où tout semblait possible.

Et plus si affinités ?

Vous avez des envies de culture ? Cet article vous a plu ?

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com