« Les Liaisons scandaleuses » ? Un chapitre de plus à ajouter à la série documentaire d’ARTE, Les grands romans du scandale. Après Sagan, Brontë, Vian, Nabokov et Ellis (pour ne citer que quelques exemples d’une liste sulfureuse), c’est au tour de Choderlos de Laclos d’être déshabillé par Priscilla Pizzato. En ligne de mire : Les Liaisons dangereuses. « Un livre qui brûle comme de la glace » disait Baudelaire. À raison.
Succès et indignation
Les Liaisons dangereuses, donc. Ou les aventures de Mme de Merteuil et Mr de Valmont, deux libertins épris de puissance psychologiques et qui n’ont pour autres ambitions dans la vie que d’assoier leur pouvoir en séduisant les autres, puis en les abandonnant. Un jeu pervers qui laisse bien des cadavres sur le terrain. Les leurs y compris car à trop jouer, ils vont se brûler.
Le roman épistolaire de Laclos va connaître un succès immédiat alimenté par l’indignation générale. Un succès qui ne s’est pas démenti depuis, au vu des nombreuses adaptations théâtrales et cinématographiques engendrées par ce récit féroce. Mais encore ? Où se situe le scandale ? Et l’incroyable nouveauté de ce livre particulièrement moderne et qui, aujourd’hui encore, a bien des leçons à nous donner ?
Analyse d’une Kriegsspiel sentimentale
Pour nous expliquer, des experts, historiens de la littérature, sociologues, philosophes, entre autres les spécialistes Catriona Seth et Michel Delon, la romancière Cécile Guilbert, dont le regard commun est particulièrement acéré pour décrypter la question du consentement, du viol comme outil de supériorité, de la manipulation mentale, les différentes facettes de cette Kriegsspiel sentimentale qui annonce la fin d’un monde.
Citations à l’appui. Et pour illustrer ce cours de littérature passionnant, outre des extraits de films, des illustrations, une documentation très riches, les comédiens Elsa Lepoivre et Eric Génovèse de la Comédie-Française, interprétant avec une acuité incisive certains passages de ces lettres au sein des alcôves du musée Lambinet. Une atmosphère intimiste, rehaussée de gros plans sur un lit d’époque, une robe, des feuilles et une plume, bref les différentes armes en jeu dans ce combat à mort.
Le tout compose une mise en voix de très belle facture, dont Laclos n’aurait certes pas eu à rougir. Un documentaire intelligent et prenant à voir pour se réconcilier avec la littérature ou de nouveau en tomber amoureux.
