Le cauchemar pour un programmateur de festival ? Qu’un groupe de dimension planétaire choisisse son event pour y spliter. A cinq minutes d’entrer en scène … tant qu’à faire. Et en se foutant sur la gueule en backstage. Ce cauchemar, les orgas de Rock en Seine l’ont vécu en direct live le 28 août 2009, après une enième empoignade des frangins Gallagher. Celle de trop. Qui fera pénétrer ce groupe déjà légendaire un peu plus profond dans les arcanes de l’Histoire du Rock.
Et pour pas grand-chose ou si peu … Un sponsor à mettre en avant ? Liam trop grande gueule ? Noël trop à cran ? Un caprice supplémentaire ? Problème de fric, surmenage des tournées … deux mecs qui ne peuvent plus se blairer même s’il sont issus de la même fratrie … Abel et Caïn … une référence biblico-fratricide qu’ils revendiquèrent dés le début de leur improbable odyssée, comme en témoigne le documentaire Oasic – Supersonic diffusé par Arte pour célébrer les dix ans de la rupture. Et éventuellement l’expliquer ? Au risque de la trahir ?
Car même avec le recul, la querelle des deux mancusiens demeure difficilement cernable, enracinée qu’elle est dans les méandres d’un passé familial douloureux, entre père maltraitant, mère divorcée et contexte de pauvreté. L’aîné, introverti et martyrisé, le cadet, en quête d’une attention qu’il méprise, s’adorent et se détestent. La musique les rassemblera un temps, comme un langage commun bien que discordant, que ces bad boys tenteront d’exprimer ensemble par delà le succès, le fric, la came, l’ivresse des méga-concerts …
Qui auront finalement raison de leur alliance … à moins qu’ils n’en précipitèrent la fin annoncée. Daté de 2016, Oasis – Supersonic confronte les archives de l’avant et du pendant et les témoignages de l’après. Pour mettre à plat les mécanismes de la crise … tenter de saisir ce qui fit la magie pure de ce groupe pourtant voué aux convulsions de l’égo. Car magiques, ils le furent et leurs chansons demeurent telles malgré le temps et le caractère insupportable de ces deux garçons.
Il suffit d’écouter « Columbia », « Fade in-out », « Wonderwall » ou « Fuckin’in the bushes » pour s’en convaincre … et comprendre qu’ils sont uniques, tout en s’interrogeant sur ce mystère de la créativité : comment des mecs aussi grossiers ont-il pu écrire des chasons aussi romantiques pour certaines, puissantes et justes pour d’autres ? Ce que le travail de Mat Whitecross met en évidence, ainsi que leur charisme destructeur. On regarde … et on regrette bien sûr. Et on se prend un instant à espérer … qu’ils se parlent, qu’ils percent les abcès (le pluriel s’impose) et qu’enfin apaisés, ils reprennent le chemin des studios et des salles.
Mal barré vu la réaction épidermique de Noël Gallagher après l’appel à l’apaisement du good guy Dave Grohl. Et potentiellement le dernier clip de Liam, « One of us » gorgé de regrets amères … Les négociations de paix sont rompues (ont-elles jamais commencé) … mais continuent de faire couler l’encre, et de faire vendre les albums des deux bad boys de Manchester qui font désormais carrière à part. L’industrie du disque s’y retrouve donc plus ou moins … or c’est elle dont Whitecross traite le moins dans son étude, et c’est bien dommage.
Car nos loulous ne sont pas devenus les monstrueuses bêtes de scène que l’on sait par hasard. En backup, Alan McGee, le sulfureux leader du label Creation Records, qu’on voit un instant mais dont on disserte peu au final. Pourtant le Monsieur fut le moteur du grand fight Oasis/Blur passé sous silence dans ces images. On aurait aimé en savoir plus sur son positionnement face à l’affrontement des Gallagher Brothers, et la manière dont il tenta de l’endiguer … ou pas. C’est l’élément manquant dans cette fresque qui dévoile autre chose : le sentiment de puissance lié au live.
Et dont Liam témoigne avec des mots très justes, des accents troublants de sincérité chez ce profil pourtant arrogant. Qu’en déduire ? Oasis demeure l’un des derniers grands groupes de rock de dimension mythique. On ne saura jamais ce qui fit exactement son aura et sa malédiction. Mais on peut constater ici qu’elles sont indissociables, et qu’elles continuent de faire recette : 10 ans après la rupture, chacun des Gallagher brothers s’apprête à sortir un nouvel album, presque à la même date. ou quand la rivalité et le marketing s’harmonisent pour le pire du meilleur ?
Et plus si affinités
https://www.arte.tv/fr/videos/086149-000-A/oasis-supersonic/