5 décembre 2017 : « Johnny se meurt ! Johnny est mort ! » ou comment paraphraser Bossuet et l’oraison funèbre de Madame Henriette de France pour restituer un peu de l’émotion populaire qui a accompagné JP Smet aka Johnny Hallyday au paradis des rockers en passant par la case Madeleine après avoir descendu les Champs Élysées, escorté d’une ribambelle de bikers. Je passe sur le barnum médiatique, la récupération politique, blablabla … reste une France qui se morfond de chagrin au grand dam des nations étrangères, interloquées devant ce french Elvis. De chagrin ou de nostalgie ? C’est que Johnny, outre l’aura de rockeur sanctifié dont on l’a affublé (merci pour Eddy Mitchell et Dick Rivers, relégués au placard), était tributaire d’un vent de liberté porté en masse par les années yéyé, ainsi qu’en témoigne le glorieux SLC Salut les copains!
Faire ses devoirs avec la radio à fond
Non mais qu’est-ce que vous croyez, les millennials ? Que vous avez le monopole de la teuf ? Bande de truffettes ! Nos parents (vos grands parents, je précise) vous le diront : ils ont essuyé les plâtres dans les très rigoristes et gaulliennes 60’s qu’il a fallu dynamiter avec ce type d’émission pour enfin pouvoir respirer et s’éclater un peu, en toute innocence. Résumons : nous sommes en 1959 ; Daniel Filipacchi, amateur de jazz et de photographie, accessoirement fils de l’éditeur du même nom, avant de devenir l’acquéreur de Paris Match, balance l’émission Salut les copains sur les ondes d’Europe n°1, qui sur ce coup se montre très inspirée pour ne pas dire visionnaire. Le programme va vite fédérer la jeunesse, qui rentre en courant du lycée tous les soirs pour faire ses devoirs avec la radio à fond, en twistant à Saint Tropez devant le buffet du salon.
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Une industrie musicale en pleine explosion
Je vous l’ai dit, les kids, vous n’avez rien inventé. Dix ans avant les radios libres et pirates dont on expose les méfaits particulièrement savoureux dans Good morning England, dix ans avant le Summer of Love et Altamont, SLC comme le surnomment les fans, fout le feu aux poudres, diffusant outre Johnny et sa belle gueule, Sylvie Vartan, Richard Anthony, Nino Ferrer, Polnareff, Antoine, Françoise Hardy, Claude François … il y en a long comme le bras, qui se servent de cette émission comme d’un tremplin pour une industrie musicale en pleine explosion, à coup de tepaz et de vinyle. La société française s’en remettra d’autant moins que les artistes étrangers y trouvent une tribune, Gene Vincent et Chuck Berry en tête. Gene Vincent et Chuck Berry !!!! Non mais !!! Ce n’est plus une porte qui s’ouvre, c’est un portail qui explose à grands coups de riffs de guitare !
Une révolution artistique ET sociale
1963 – 1967 ; en quatre ans c’est une révolution artistique ET sociale qui se joue, inspirée à la base par un titre de Gilbert Bécaud pour devenir l’oriflamme de toute une génération qui y découvre un début de libération des mœurs. Pas étonnant que ceux qui ont vécu cette jolie tourmente pleurent à chaudes larmes sur le cercueil immaculé de Johnny, qui symbolise ces temps bénis de Trente Glorieuses, dont nous profitons encore du reste, ne serait-ce qu’en terme de sexualité. Il fallait bien un coffret complet pour garder trace de ce séisme culturel : ce sont les éditions Montparnasse qui s’y collent, avec trois DVD cumulant quelques 150 morceaux, soit près de six heures de musique et de fiesta, assorties de micro documentaires resituant cette frénésie dans son contexte, entre mode, salles de spectacle, tournées … il y a même un flash sur le combat mythique Mod’s / Rockers !
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Bon voilà : vous n’avez plus d’excuses : en regardant ces images, en écoutant ces chansons dont vous avez déjà forcément entendu les accents, vous comprendrez que cette période s’est inscrite dans notre patrimoine, notre pop culture, et qu’il convient d’en transmettre l’essence à nos gamins, comme un trésor, un héritage dont ils doivent prendre soin, car ils en goûtent les bénéfices tous les jours.