Les gamins atteints de mucoviscidose ne dépassent guère les 20 ans. Bob Flanagan, lui, tiendra jusqu’à 43. Son secret de longévité ? Le masochisme. Oui, vous avez bien lu. Le masochisme et pas en mode amusement de boudoir 50 Shades of grey. Non, du masochisme cru, violent, où le corps souffre vraiment, saigne, porte les stigmates des tortures infligées et reçues volontairement. Croyez ce que vous voulez, chers lecteurs, je ne plaisante aucunement en écrivant ces mots : le documentaire que j’ai vu m’a fichu une claque suffisamment puissante pour que je n’ai pas envie de rire en traitant de ce sujet.
Une souffrance volontaire, codifiée, orchestrée
Réalisé en 1997 par Kirby Dick, SICK: The Life & Death of Bob Flanagan, Supermasochist retrace avec beaucoup de finesse, de rigueur, d’émotion et de pudeur un cheminement difficile et inéluctable. Car pour Flanagan, le masochisme a offert une manière aussi inattendue qu’efficace de vivre ses désirs, de contrôler son corps et de mettre au pas la douleur infligée par la maladie en lui substituant une souffrance volontaire, codifiée et orchestrée au point de devenir démarche esthétique.
Sublimer son chemin de croix
Tourné il y a plus de 20 ans, ce film magistral n’a pas pris une ride. Dérangeant, insoutenable, drôle, touchant, poignant même. Nulle envie ici de faire le prosélytisme d’une sexualité extrême : le souci est ici de restituer aussi fidèlement que possible l’évolution d’un artiste qui scénarise sa souffrance, sublime son chemin de croix. Soyons clairs : de toutes les séquences bordeline que comporte ce film, c’est l’agonie de Flanagan qui est la plus terrible. C’est un film dur, que tout le monde ne peut pas voir. Il faut s’y préparer, le visionner sans a priori et avec un œil objectif dépourvu de jugement.
Un tourbillon de contradictions
Et être solidement accroché car la vie de Flanagan est un tourbillon où s’enchaînent les contradictions : la relation d’amour fusionnel avec sa compagne dominatrice qui le veillera avec autant de tendresse qu’elle mit de rigueur à le torturer, l’élaboration de ses œuvres dans le sillage de ses souffrances, le regard perdu de ses parents qui tentent de cerner ce choix de vie, la gratitude de cette ado condamnée par la maladie mais qui s’ancre dans l’existence grâce à l’exemple de Flanagan, les rires du public écoutant les blagues d’un Flanagan suspendu par les pieds, le regard de l’artiste alors qu’il n’était qu’un enfant, prenant doucement conscience de la maladie et de la façon dont il la combattra …
Voilà peut-être la véritable valeur de Sick. Avant d’être un documentaire, ce film porte une leçon de vie, une leçon de volonté, une leçon de courage.
Et plus si affinités