8 avril 2013 : Margaret Thatcher s’éteint. En apprenant la nouvelle, des milliers de Britanniques descendent dans la rue… pour sabrer le champagne. C’est dire si la Dame de Fer a laissé une empreinte durable et négative dans les mémoires. Car derrière ces célébrations, il y a une histoire, pire, un démantèlement. Une casse sociale d’une ampleur, d’une brutalité sans précédent. C’est ce que raconte le documentaire Thatcher’s not dead, en français dans le texte, Margaret Thatcher l’inoxydable.
Un cauchemar sociétal
En une heure et demie d’archives et de témoignages, Guillaume Podrovnik décortique le pourquoi du comment de cette figure du pouvoir hautement controversée, mais qui a cependant tenu le haut du pavé politique britannique des années durant. Inoxydable ? C’est un euphémisme. De 1975 où elle est élue à la surprise générale à 1990 où les membres du parti conservateur, excédés par son conservatisme, la fichent plus ou moins dehors, Thatcher va mettre l’Angleterre en coupe réglée, à grand coup de ce qu’on appellera plus tard le néolibéralisme (eh oui, déjà).
Totalement hors sol, se prétendant proche du peuple quand elle est issue d’une moyenne bourgeoisie bon teint, l’inflexible Première ministre va pousser son pays dans une misère grandissante dont témoignent, outre les films de Ken Loach, The Full Monty, This is England ou Pride, pour ne citer que ces quelques exemples cinématographiques. Exit les aides sociales, le soutien aux plus fragiles, les industries à l’anglaise. Soulignée par les hits punk et new wave qui décrivent ce règne féroce, racontée par la voix off d’un certain Guillaume Meurisse, mise en musique par le tandem Menke / The Limiñanas, l’épopée tatchérienne a tout du cauchemar sociétal.
Éclairer notre présent
Un cauchemar où s’invitent entre autres Reagan et Pinochet, avec à la clé une femme d’une rare poigne qui s’impose petite à petit jusque dans les foyers via la télévision triomphante, à grand coup de discours rentre dedans et de mesures d’une incroyable dureté. Thatcher, icône de la pop culture ? Le succès de sa marionnette dans l’émission culte Spitting Image en dit long sur une célébrité à rebours. Une célébrité qui éclaire par ailleurs notre présent, et les méandres de l’ultralibéralisme tel qu’il nous dévore actuellement. Et c’est là que le titre anglais du documentaire prend tout son sens.
Thatcher’s not dead : par-delà la tombe, l’ombre de la Dame de Fer n’en finit plus de nous hanter, inspirant une nouvelle génération de politiciens, d’économistes et d’hommes d’affaires qui persistent à rebattre les cartes d’un libéralisme échevelé et prédateur. Les graines semées par Thatcher n’ont jamais cessé de germer, et c’est là le drame. Les images que nous voyons dans le documentaire, le récit de cette geste trouve un écho dans notre actualité, en dévoilent la teneur exacte, l’objectif véritable. Et cela n’a rien de rassurant.
PS : faites également un petit tour du côté de la chaîne Youtube de Podrovnik. On y trouve plusieurs extraits d’interviews, des chutes du documentaire qui n’ont pas été exploitées, mais qui sont particulièrement intéressantes. Question récurrente : qu’en est-il de l’héritage thatchérien aujourd’hui, notamment en France ? Les réponses sont édifiantes.