Elizabeth R : drama royal et figure du pouvoir au féminin

The ARTchemists Elizabeth R

Les Tudors, Becoming Elizabeth, et après ??? Après, il y a l’incontournable, majestueux et anthologique Elizabeth R. Un monument de la série historique anglaise made in BBC. L’équivalent british de nos Rois Maudits, du reste réalisé dans la même période en 1971, quand la télévision était encore de qualité. Une version de la vie de Gloriana adoubée par les historiens comme la plus fidèle, la plus juste. Exit donc les inexactitudes et les libertés stylistiques. Avec Elizabeth R, on est dans les clous au niveau de la vérité.

Elizabeth made in Glenda Jackson

Elizabeth R donc (R pour Regina) aka LA reine), six épisodes magistraux menés bille en tête par une Glenda Jackson au mieux de sa forme pour incarner la souveraine depuis son adolescence (la série débute au même moment que Becoming Elizabeth) jusqu’à sa mort à 69 ans en 1604. Et l’actrice de passer comme une fleur du stade de jouvencelle embarquée à la tour de Londres à celui de vieille reine fanée, sans jamais perdre de son élan, de sa vigueur ni de son charme.
Voix grave et métallique, à la fois séductrice et tranchante, raffinée et tyrannique, Elizabeth made in Glenda Jackson est impressionnante, restituant du reste cette aura qui émanait de sa personne. Nous suivons cette héroïne au fil d’une existence parsemée d’embûches : pas évident de gouverner l’Angleterre au XVIᵉ siècle, dans un climat de conflit religieux et politique à l’échelle européenne, avec les Habsbourg en embuscade, peu d’argent et en étant une femme par-dessus le marché.

Portrait d’une fine politique

Une femme qui refuse obstinément de se marier, qui crève de trouille d’être dépendante d’un époux gouvernant à sa place ce qu’elle ne veut guère, qui n’envisage pas de risquer sa vie lors d’une grossesse et d’un accouchement (à l’époque on a une chance sur deux d’y rester), qui chérit son indépendance plus que tout et fait capoter les projets d’alliance qu’on lui propose, même (surtout) ceux prêts de conclure.

Moins romantique que d’autres récits, cette version a le mérite de ramener les courtisans qui entourent Elizabeth à leur juste place : des courtisans donc, sur lesquels il est délicat de s’appuyer dans la mesure où ils défendent leurs propres intérêts. Cela, la reine le sait, et elle en tient compte, tenant tout ce petit monde en laisse, explosant de colère quand il faut, spécialiste du bon mot, de la plaisanterie qui blesse, parfois changeante sauf quand il s’agit de protéger son peuple et son pays. Une fine politique, manipulatrice de haut vol, appliquant à la lettre les préceptes du Prince de Machiavel.

Une modernité sidérante

Une idole qu’on adore, qu’on critique dès qu’elle a le dos tourné et qui n’en a rien à faire. Elle trace son chemin, circonspecte parfois, prenant le temps de la réflexion, mais quand il s’agit d’agir, elle fonce tout en se protégeant. Confrontée aux pires crises, elle ruse, ainsi quand il faut faire exécuter son encombrante cousine, Mary Stuart, qui convoite son trône et qui cultive les conspirations comme d’autres les roses. Faire exécuter un manant est une chose, décapiter une reine couronnée en est une autre. On y risque son âme ; et Elizabeth de manoeuvrer pour signer l’ordre d’exécution sans être tenue responsable de cette décision.
L’amour n’a que peu de place dans ce parcours très masculin. Glenda Jackson campe une créature couverte de fard, vêtue de joyaux, impériale et élégante, mais directe, au verbe haut de dirigeant habitué à se faire obéir. Intraitable, sacrifiant ses sentiments à l’intérêt de l’Angleterre. Et digne jusque dans une agonie lucide, terrifiante. L’interprétation de l’actrice a fait date, elle EST Elizabeth. Difficile de rivaliser dans ce portrait sans concession d’une très grande figure du pouvoir au féminin, d’une modernité sidérante.

Et plus si affinités ?

Vous avez des envies de culture ? Cet article vous a plu ?

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com