Republier Mein Kampf ou pas : le débat fait rage depuis des années, débouchant sur une édition critique chez Fayard en juin 2021, avec retraduction complète, commentaires d’historiens et un titre qui clarifie le but de ce travail de dépoussiérage : « Historiciser le mal ». Travail dont on ne peut comprendre la véritable portée si on ignore tout de l’histoire de ce livre. Et c’est là qu’il convient de consulter Mein Kampf – Histoire d’un livre d’Antoine Vitkine.
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Un écrit sulfureux … et encombrant
En 350 pages d’une écriture claire et dynamique, l’auteur épluche le parcours de cet écrit sulfureux, à la fois manifeste politique, bible du nazisme, succès commercial … et très encombrant ouvrage pour un Hitler désireux de donner le change à l’international le temps d’asseoir son pouvoir et de peaufiner ses projets de conquêtes territoriales et d’extermination raciale. Il faut préciser que Mein Kampf est sans ambiguïté sur ces deux sujets, ce que Vitkine met clairement en évidence.
Bref, il suffit d’en parcourir les pages pour saisir la manière dont Hitler voit les chose et comment il compte s’y prendre pour arriver au résultat escompté, à savoir la toute puissance du peuple germanique, et l’éradication des sous-races, population juive en priorité. Bref, tout le monde savait … ou aurait dû savoir. Car tout le monde n’a pas lu ce livre, ou alors en a minimisé la signification. Peu ont saisi la véritable portée de ces mots et le caractère destructeur de celui qui les a tracés.
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Des records de ventes
Certains ambassadeurs en place en Allemagne, Churchill, des membres de la communauté juive … la question est alors posée déjà : interdire ou diffuser ? Taire ces idées explosives ? Ou bien les mettre en valeur pour prévenir du danger que représente le chantre du nazisme, qui, rappelons-le, rédige ce mélange de souvenirs personnels, de revendications brutales, d’éructations haineuses en 1923, depuis une cellule où il purge sa peine après une tentative de putsch ratée.
Un élément problématique parmi tant d’autres dans le parcours inquiétant de ce brûlot dont aujourd’hui encore on ne cite pas le nom… mais qui fait toujours des records de ventes dans certaines parties du globe. Le récit de Vitkine met en avant ces incohérences, tout en questionnant la manière dont Mein Kampf s’est glissée au cœur de la stratégie de communication nazie, avant de coloniser les familles … tout en faisant la fortune de son redoutable auteur… et de ses éditeurs.