Une billetterie sold out, une canicule plutôt bien gérée, la formule magique des Eurockéennes a encore une fois fonctionné à merveille.
La programmation, dosée presque scientifiquement, permet de réunir plusieurs générations : jeunes gens venu fêter la fin des cours et examens, côtoient les plus anciens, habitués de longue date de l’événement, touristes, amateurs et curieux voulant coller à l’actualité, à la diversité musicale affichée. Il y a clairement une histoire de fidélité entre le festival et les festivaliers.
Cela étant dit, et avant d’évoquer les bons moments de cette édition, au moins un problème : concert exclusif du 1er soir à l’allure d’émission tv dominicale de fin d’aprèm (version rock francophone vénère), fiesta électronique gigantesque du samedi soir malheureusement beaucoup trop riche en acides gras, auto-satisfaction white-trash du troisième jour où sampler un titre mythique d’Aphex Twin ne parvient en rien à sauver un concert très faible … Les exemples ne manquent hélas pas, pour dire à quel point la Grande Scène était peu fréquentable cette année, mais là-encore avec un taux de remplissage indiscutable. Question de goût ? De génération ? De The Roots à Slayer, de Björk à Daft Punk …Souvenirs de shows autrement plus spectaculaires et fédérateurs, où circulaient quelques frissons. Mais revenons d’urgence en 2015 avant fossilisation …
Avec HO99O9, sensation hip-hop/punk/extrême pour commencer, dans le désordre. Sombre et violent, comme un Death Grips qui en ferait des tonnes. La formule est un peu courte, mais traduit tant bien que mal le concert, qui impressionne par sa férocité sonique, vocale, ou gestuelle mais qui ennuie un peu aussi dans son volontarisme pour nous mettre la pression. A suivre quand même…
Quelques heures auparavant, The Soft Moon, proposait un solide concert « guitare et synthé de banquise » pour faire tomber la nuit sur la canicule. Et en plein air, ces titres prenaient une autre dimension, quasi-tribale. Faute de réelle concurrence, Todd Terje pourrait aisément prétendre au titre de meilleur live électronique de ces trois jours. Il se produit ici dans une formation « avec instruments » qui fait plutôt mouche en s’appropriant son dernier opus It’s album time. Agréable sans être fou.
Appelez-la « la scène des webzines internationaux et de leur suiveurs », celle du « Spring Break franc-comtois », la « «mini-Coachella » : en quelques concerts du premier jour, la scène de La Plage est devenue l’endroit où allait être l’ambiance, la fébrilité de découvrir de nouveaux artistes.
Le lendemain, on y a vu de justesse Petite Noir, déjà sur scène avant un album à paraître cet automne. Tout à fait convaincant dans un registre pop-guitare-lyrique maîtrisé, mais qui peut aussi diviser. Bien à l’heure pour Sleaford Mods, sorte d’anti fièvre du samedi soir délocalisée d’un pub anglais. Entre sarcasmes et histoires pathétiques, le duo transforme la plage en bitume clairsemé. Une attitude qui tranche, et rallie paradoxalement quelques chapelles.
ILOVEMAKONNEN, Rae Sremmurd, Kevin Gates, ont eux-aussi fait trembler La Plage. Preuve de l’intérêt constant des Eurockéennes pour la scène hip-hop et autre rap-game. Même si ce n’est pas vraiment le son qu’on écoutera chez soi, les shows sont suffisamment personnels et punchy pour passer un bon moment. Jusqu’à ce que Run the jewels achève en beauté cette parade : joie de retrouver El-P en pleine forme, communicatif. Même assurance chez Killer Mike. Et cette fois le son (les scratches!) sont en permanence à la hauteur des MC’s. Un triomphe.
Deux concerts hors-plage pour finir :
OFF!, groupe hardcore, « vintage » au sens le plus noble du terme, car sans fioriture ni reconstitution, où Keith Morris leader vétéran , a « brisé » le set de commentaires aux frontières du spoken word, trouvant une petite bulle de discussion poétique dans cette grande foire.
D’autres californiens, Foxygen n’ont peut-être pas encore écrit de grandes chansons rétro. Leur dernier album a même essuyé un accueil critique frisquet. Mais ils semblaient, ce soir de 4 juillet étoilé, complètement déchaînés. Jouant à fond, mêmes aux cartes. Portant à bout de forces leur chansons, sans que l’on sache vraiment si cet emballement/précipitation faisait partie du show ou si une météorite venait de tomber dans leur loge.
Et plus si affinités