L’affiche illustrée : un art en soi qui s’enracine dans la seconde moitié du XIXᵉ siècle, au pinacle de la révolution industrielle. Le musée d’Orsay consacre justement une exposition d’envergure à cet essor spectaculaire orchestré dans un Paris voué aux plaisirs et à la consommation. Intitulée L’art est dans la rue, cette manifestation dissèque les mutations sociales et culturelles qui ont favorisé le développement de l’affiche artistique, en dialoguant avec un ensemble unique d’affiches, peintures, photographies, costumes, sculptures et objets d’art décoratif.
Affiches et métamorphoses urbaines
Les quelque 230 œuvres rassemblées ici offrent une plongée saisissante dans l’univers visuel de la ville lumière à cette époque. Co-organisé avec la Bibliothèque nationale de France, ce parcours retrace comment l’affiche illustrée va investir l’espace urbain, colonisant murs, palissades, kiosques, colonnes Morris, urinoirs, métropolitain, et même les êtres humains transformés en hommes-sandwichs.
Ces supports deviennent les cimaises d’un nouvel univers visuel cherchant à capter le regard des passants. La rue « moderne », transformée par les grands travaux haussmanniens, devient un espace fondamental d’expression politique et de revendications sociales. Le critique d’art Roger Marx décrit la rue comme « toujours animée, grouillante, où se discute et se prononce le suffrage universel ».
Affichomanie et libéralisation des mœurs
L’affiche des années 1880-1900 reflète les fantasmes et réalités d’une époque marquée par les progrès techniques et la société de consommation naissante. Des artistes tels que Jules Chéret, surnommé « le roi de l’affiche », Henri de Toulouse-Lautrec, Eugène Grasset, Alphonse Mucha, Théophile Alexandre Steinlen, et les Nabis – Pierre Bonnard, Henri-Gabriel Ibels, Édouard Vuillard, Félix Vallotton – investissent ce champ artistique.
L’affiche devient alors un objet de collection et d’exposition, donnant naissance à une véritable « affichomanie » parmi les amateurs. Elle sert par ailleurs de porte voix à une libéralisation des moeurs : fréquentation des cabarets, apparition du sport, féminité exacerbée. Exposée en pleine rue, elle revendique une ambition sociale, devient le médium privilégié de « l’art pour tous », avant de devenir un medium politique sous la férule des milieux anarchistes et libertaires.
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Une programmation culturelle variée (ateliers, conférences, spectacles) vient compléter cette exposition magnifique, qui raconte l’émergence d’une modernité visuelle, l’entrée dans la société de consommation, l’émergence de l’opinion publique, la médiatisation de l’espace urbain.
Pour en savoir plus, consultez le site du musée d’Orsay.
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