«Notre démarche n’est pas innocente.
Cette Exposition du Fabriqué en France a deux objectifs :
Vous montrer la diversité, la qualité, le dynamisme de ce qui est fabriqué partout en France.
Vous encourager à vous engager pour l’emploi et contre le réchauffement climatique en consommant français.»
C’est en ces termes que l’Élysée annonce sur son site l’exposition éphémère Fabriqué en France, soit deux jours – les 18 et 19 janvier 2020 – où les salons chamarrés de la « résidence officielle du président de la république » dixit Wikipédia, se sont transformés en « foire éphémère », selon Paris Match qui aurait peut-être pu trouver une tournure plus heureuse, moins flonflon et barba-papa pour qualifier cette volonté de promouvoir le Made in France région par région.
Revenir aux basiques
Venu des Vosges, Le Jacquard français et son linge de table (j’en ai à la maison, croyez-moi c’est aussi solide qu’élégant), du Vaucluse, Pellec ST et ses machines de tri optique, de Haute Savoie les skis Rossignol signés Skis Dynastar SAS, de la Manche le Parapluie l’Antibourrasque par Le Véritable Cherbourg … Il y en a 120 comme ça, couvrant tous les secteurs, mode, décoration, alimentation, optique, sport, horlogerie, médecine … et fièrement affichés sur le site de notre présidence, qui en profite pour chiffrer nos départements, exercice que nous n’avions plus pratiqué depuis l’école primaire.
Revenir aux basiques, avec tendresse et nostalgie pour nous rappeler que la France fait encore de belles choses et qu’il faut les consommer, pour sauver l’économie de notre chère patrie … quand on a les moyens. Car si la démarche est louable, elle omet de préciser aux happy few qui ont visité cette manifestation sur inscription préalable que le Made in France se paie, d’autant plus qu’il est devenu aussi rare que le dahut et le T-rex ou presque. C’est que notre réseau manufacturier a bien souffert ces dernières décennies, détricoté par nos décideurs, flingué par la délocalisation, avalé/digéré par la concurrence globalisée, Chine en tête.
Ploum pouf de luxe
Ceux qui ont visionné l’excellent documentaire Made in France auront imprimé le message ; si tu ne veux vivre que de produits françois, cher gaulois réfractaire au rouleau compresseur du commerce de masse, tu as intérêt à avoir un bon compte en banque et pas besoin de frigo. Par contre, pas de souci, le canapé Ploum signé Ligne Roset et fabriqué dans l’Ain n’attend plus que toi avec ses rondeurs capitonnées … budget de base 3597 euros et plus si affinités selon la taille, la hauteur du dossier … mais courage, le Ploum pouf se négocie à partir de 1 462 euros … tous les espoirs sont permis.
Que voulez-vous ? Le fait main, gage d’excellence, se paie … et l’économie française rayonne par le luxe. Pour la brosse à dent et les objets du quotidien, c’est un peu plus sportif. Notons cependant que le comité de sélection à l’origine de l’exposition, où l’on trouve le fondateur du Slip français comme la directrice du salon Made in France a épluché 1750 dossiers sous la férule d’ Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances. Il y a donc matière à bien faire … et une opportunité ici de compléter la stratégie appliquée par la présidence depuis l’ouverture de sa e-boutique de produits dérivés aux couleurs bleu-blanc-rouge (ce qui avait fait couler beaucoup d’encre et suscité pas mal de grognements indignés en son temps).
Welcome to Versailles Castle
Louable donc … et problématique. Car, alors que les portes du palais s’ouvraient devant des visiteurs charmés de participer à l’effort de guerre, Versailles Castle (symbolique?) mettait le paquet pour accueillir le «Choose france » et quelques 200 PDG venus de partout dans le monde pour investir dans les fleurons de notre industrie (démolition du droit du travail, contestation matée à coups de matraques, défonçage des retraites, privatisation à tout va … welcome, les chéris, la belle France s’est mise au diapason anglo-saxon, ici ce sera bientôt comme chez vous, vive les pittancy jobs). Attractivité à fond, misons sur les investissements étrangers pour rebooster le pays, quitte à dilapider ce qui nous reste d’industries viables.
Discours à double sens ? d’un côté on vante la « Barrique en chêne de Tronçais faite à partir de merrains façonnés à Cérilly par SARL Chêne Bois dans l’Allier, de l’autre on basarde Alstom, Pechiney, Alcatel, Latécoère … si possible à des dévorateurs américains qui en profitent pour pomper nos secrets de fabrication, virer ingénieurs et ouvriers puis fermer boutique quand il ne reste plus rien à vampiriser. Prise de risque énorme, car certaines de ces entreprises ont une place prépondérante dans notre sécurité. Les vendre au plus offrant, c’est mettre en péril notre intégrité, notre souveraineté.
Machiavel et lancer de gavottes
Plusieurs articles se font l’écho de cette problématique … et depuis plusieurs années. Citons très récemment une série de chroniques parues dans La Tribune qui interrogent ce dépeçage et le rétro-pédalage amorcé par plusieurs gouvernances … sans jamais réussir à endiguer l’épidémie. Avec à la clé des risques préoccupants : prenons l’exemple de HGH expert en infra-rouge qui équipait jusque là les caméras de nos militaires et de nos commandos d’élite et dont le savoir faire va être pompé par un fonds américain, Souriau qui intervient dans le domaine de la connectique pour la défense ou Latécoère racheté par Searchlight alors qu’il fournit des pièces pour les avions de combat de Dassault.
Vous me voyez venir ? Derrière le canapé Ploum que vous ne pourrez jamais vous payer, c’est tout une industrie de la défense qui part à la flotte. Et nous met en danger ? Ok, les anti-militaristes ont probablement bouffé leur coussin simili ligne Roset en lisant ces lignes. Padmé pro armée !!! Garce !!! et autres noms d’oiseaux … qui ne me conviennent pas, car l’action armée ne me plaît pas plus qu’à un autre … mais après avoir lu Machiavel, on sait pertinemment que « Si tu veux la paix, prépare la guerre » … et ne va pas vendre ce qui fait ta force au mec le plus offrant. Même si en parallèle tu portes haut le flambeau de la créativité à la française. Sauf qu’un jour viendra peut-être(prions que non), où il faudra se défendre, et ce n’est pas en bombardant les lignes ennemies avec des marinières à rayures et des gavottes au chocolat qu’on y parviendra.
Dont acte.
Et plus si affinités
https://infoguerre.fr/2019/11/fiasco-strategique-lindustrie-francaise-de-larmement/
Merci à Hugo QUETU pour sa photo.