Il y a trente ans, l’homme à la tête de chou partait au Paradis. 2021 : les hommages se succèdent sur les timelines pour célébrer cet anniversaire, tous plus ou moins semblables. Que dire de plus sur Gainsbarre ? Les biographies sont légion, l’INA regorge d’archives, on ne parle même pas des discographies commentées, de l’ouverture imminente d’un musée installé rue de Verneuil, dans l’ancien home sweet home du chanteur. Qui fut aussi auteur et compositeur. Quoi que … et c’est là l’originalité de l’exposition virtuelle Gainsbourg composé : les hommes de l’ombre.
Expertise pop
Exposition virtuelle qui s’ajoute à la collection déjà riche du Musée SACEM, sous l’égide d’un Mathieu Alterman particulièrement inspiré. Journaliste passé par Canal+, LCI, Schnock, Le Point, France Info (je vais pas tous les faire, y en a long comme le bras), auteur plein d’humour et de justesse, documentariste, conférencier, survivant de onze années passées en maison de disques comme DA (exploit), fin connaisseur d’histoire musicale et de pop culture au point d’en enseigner les rudiments aux générations futures dans moult écoles supérieures, ce n’est rien de dire que le monsieur sait transmettre sa passion à son lecteur/auditeur/spectateur.
J’en témoigne après une heure de conversation téléphonique avec cet enthousiaste qui n’en est pas à son coup d’essai en matière d’expo numérique. La SACEM a déjà fait appel à son expertise pour signer Musique et pub : ça fait 50 ans que ça dure !, Le punk français a 40 ans !, Hair – la folle histoire dune révolution sociale et musicale. Avec toujours le même process : lui rédige les textes qu’il émaille d’exemples, de références, d’anecdotes, les documentalistes de la SACEM fouillent les dossiers pour détecter, numériser, mettre en page les documents qui illustreront au mieux son propos. Une collaboration joyeuse et féconde, qui comble cet amateur d’archives cachées … et d’angles d’analyse inédits.
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Gainsbourg et ses arrangeurs
Objectif : rendre cool la transmission du savoir. Pas évident vu l’infobésité actuelle, la perte d’attention de publics saturés de snack contents. Donc il faut jouer la carte du décalage, de l’humour, sans jamais rien sacrifier à la précision ni à la rigueur. D’où cette exposition hommage consacrée au rapport entre Gainsbourg et ses arrangeurs, ces fameux hommes de l’ombre, payés pour leurs collaborations, crédités sur les déclarations de la SACEM … mais qui n’apparurent jamais en temps que tels sur les pochettes d’albums. Et en souffrirent dans leur âme, au point de se brouiller avec un Gainsbourg obsédé par l’idée de connaître un succès qui lui a longtemps échappé.
Une autre surprise de cette exposition que d’apprendre le rapport complexe de l’artiste avec une célébrité qu’il ne conquit qu’après 20 ans de carrière. Plus poète que musicien, il multiplia les associations avec, je cite : Alain Goraguer (1958-1964), Michel Colombier (1965-1968), Jean-Claude Vannier (1969-1973), Jean-Pierre Sabard (1975-1981), puis les anglo-saxons Alan Hawkshaw (1973-1987), Sly & Robbie (1979-1981) et Billy Rush (1984-1989). Un beau palmarès, dont l’exposition détaille les ressorts, les process et les rebondissements, apportant un éclairage nouveau sur certains chefs d’œuvre comme « Bonnie and Clyde », « Requiem pour un con », « Ballade de Melody Nelson », « je suis venu te dire que je m’en vais », « Sea, sex and sun » …
Le socle du mythe ?
A chaque nouvel arrangeur, un nouveau style, une nouvelle thématique, un nouvel univers, une nouvelle manière de travailler à quatre mains … preuve que Gainsbourg savait flairer les tendances à venir, s’entourer des bonnes personnes et construire sa légende future. Si ces collaborations ne portèrent que tardivement leurs fruits, en passant notamment par le chemin de la musique de film, elles constituen aujourd’hui le socle du mythe. L’élément incontournable dans la créativité musicale d’un Gainsbourg auréolé de toutes les audaces. Un tabou que les ayant-droit ont voulu rompre, rendant à César ce qui appartient à César. Pour notre plus grand bonheur, puisque l’exposition donne à voir un autre visage de Gainsbarre, d’autres espaces d’inventivité, d’autres influences.
Mission accomplie donc pour Mathieu Alterman et la team documentaliste du Musée SACEM qui nous proposent une exposition riche d’informations, intelligemment orchestrée, dynamique, surprenante, ludique, où photographies, interviews, affiches alternent avec documents d’époque et textes explicatifs bien troussés. Au cœur de la démarche, le questionnement du génie gainsbourien, le décryptage étonnant d’une carrière pleine de surprises, et la conviction qu’il reste encore beaucoup de choses à découvrir sur cet artiste hors normes. Bref un régal intellectuel dont vous ne ferez pas l’économie.
Merci à Mathieu Alterman pour ses explications, son temps, son enthousiasme.
Et plus si affinités
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