La Bibliothèque Forney vient de rouvrir ses portes en fanfare avec le lancement de Mode et femmes14 – 18, une exposition d’une rare qualité dont le but est d’explorer la mode féminine durant la Première Guerre Mondiale : l’idée pourrait sembler charmante si le parcours ne révélait pas plusieurs aspects édifiants de ces quatre années d’émancipation et de métamorphose sociale de fond.
Car si le conflit débute dans les dentelles et les capelines d’un été particulièrement rayonnant, il va très vite s’enliser, impactant l’organisation complète de la France qui se voit obligée, ayant dépêcher ses fils dans les tranchées, de recourir à ces dames pour assurer la bonne marche du pays. En investissant les métiers masculins, les femmes découvrent leurs capacités et leur autonomie.
Cela se traduit automatiquement par l’évolution du vêtement, qui doit s’adapter à aux impératifs d’une vie professionnelle intense, à l’usine, au bureau, en automobile … tandis que les dames de la haute société s’improvisent patronnesses en tailleurs à larges poches, ou infirmières en blouses immaculées, les filles du peuple endossent la blouse de travail, voire le pantalon. Toutes ou presque sont contraintes de porter le noir du deuil, tandis que le nombre de cadavres augmente.
Patriotes jusque dans leurs bijoux et passementeries, les françaises le sont moins dans leur comportement, se libérant d’habit comme de mœurs. Mais ça, les poilus ne l’imaginent même pas, qui continuent à rêver de jeunes filles pures en mousseline blanche sous les bombardements qui les déchiquètent. Autant dire qu’ils sont plus que surpris quand, enfin ils bénéficient d’une trop rare permission, ou qu’ils sont rapatriés après avoir été blessés.
D’une grande justesse dans le parcours adopté comme dans les objets, gravures et costumes choisis, cette exposition orchestrée par Maude Bass-Krueger, Sophie Kurdjian et Béatrice Cornet aborde jusqu’aux premières grèves activées par les petites mains d’un secteur de la mode en plein essor mais qui rechigne à payer convenablement ses ouvrières. Elles obtiendront gain de cause, tandis que leurs consœurs en culottes seront raillées par une presse particulièrement féroce.
Ainsi on voit poindre des revendications portant sur une égalité salariale homme/femme qui aujourd’hui encore vont bon train, tandis que ces messieurs voient d’un œil plus que méfiant cette partie de la population française demander d’être traitée, à raison, comme des semblables. Bref c’est tout un pan d’histoire sociale qui est évoqué ici, les racines d’un combat contemporain, d’une lente marche vers l’émancipation. Très bien documentée l’exposition gagne à être visitée avec une conférencière, dont les explications animent avec humour chaque nouvelle thématique.
Et plus si affinités