Quel est le point commun entre Sylvie Vartan, Marylin Manson, Stromae, Nina Hagen, Étienne Daho, Indochine, Madonna, Marc Almond, Siouxsie Sioux ? Outre qu’ils sont tous chanteurs et musiciens, ils ont eu l’heur d’être immortalisés par Pierre et Gilles. Ce qui vaut pour sanctification ou presque. Et l’exposition que consacre la Philharmonie au travail de ce duo artistique d’exception le prouve en majesté.
Art religieux et vignette Panini
Son titre n’est pas usurpé : Pierre et Gilles – La fabrique des idoles revient en 110 portraits (complétés de vidéos, de chansons et d’objets) sur ce miracle perpétuel, cette magie esthétique que les deux complices distillent avec ténacité depuis leur rencontre en 1976. L’un est photographe, l’autre peintre. Ils devraient rivaliser, ils vont se compléter, inventant ainsi un style spécifique qui tient à la fois de l’art religieux et de la vignette Panini, dans un déluge de paillettes et de couleurs acidulées.
Et c’est par la musique qu’ils vont s’imposer, car leur ADN matche parfaitement avec l’esprit mélodique des 80’s, boite à rythmes et synthé, paroles candides, mélange de fausse insouciance, d’onirisme adolescent, une sensualité émerveillée et sans complexe, auquel les deux compères vont ajouter une note d’humour, beaucoup de tendresse, un penchant pour le scabreux mêlé d’élégance, l’outrance naïve de deux gamins néo-baroques et heureux de l’être.
Instant de grâce
Et en coulisses, une méthode faussement fantaisiste, en fait aussi rigoureuse que bien rodée : une composition story-boardée en amont, avec force costumes chamarrés, accessoires théâtraux et décors patchworks, le tout alimenté par un goût certain pour la récup d’objets hétéroclites et de fripes déjantées. La photo obtenue est ensuite retouchée à la peinture, avec une minutie maniaque, un sens du détail chirurgical, une volonté de perspective marquée … bref un instant de grâce figé sur pellicule et dont les stars vont peiner à se défaire ensuite.
Car le style de Pierre et Gilles est d’une rare puissance, au point d’enfermer le musicien portraituré dans une perception iconique qu’il faut pouvoir assumer. On ne ressort pas indemne d’une séance avec ces deux coquins, leur confier une pochette d’album, une photo de promo, c’est forcément s’engager, passer un cap, se confronter à une facette de soi dont on ignorait tout (ou qu’on ne voulait pas voir), qui surgit soudain, par surprise et avec éclat dans une surenchère ô combien sensuelle.
Ainsi capturé et mis en exergue, l’univers du chanteur, de ses mélodies, de ses textes explose avec une extravagance maniériste, dans l’esprit d’un Caravage qui aurait lâché le pinceau pour l’aérographe. Processus enclenché d’embellissement irréversible, portrait de Dorian Gray à rebours qui sublime le musicien autant que son œuvre. Impossible de revenir en arrière une fois le portrait finalisé et dévoilé au public, l’artiste offert comme un dieu adorable et sans défense.
Et plus si affinités
https://philharmoniedeparis.fr/fr/exposition-pierre-et-gilles/parcours