Non non, chers professionnels du château de Versailles, et non moins honorables techniciens de l’Institut Culturel Google. Loin de moi l’idée de critiquer votre démarche ô combien louable car d’une grande pertinence… mais force est de constater que si vous aviez procédé à pareille opération sous le règne du roi Soleil, dans l’heure, vous auriez été appréhendés et mis au secret avec autant de célérité que le fut le pauvre Fouquet susnommé.
Quelle idée aussi, d’oser mettre en exergue la manière dont Louis 14eme du nom pilla la grandeur certes un peu trop vaniteuse de son surintendant des finances après l’avoir éjecté du jeu politique d’une lettre de cachet rageuse. C’est qu’en ce XVIIᵉ siècle le souverain ne peut tolérer la moindre ombre faite à l’astre de son pouvoir, or Fouquet et ses manipulations bancaires, son sens du spectacle, son intelligence affûtée commence à trop rayonner. Il ne manquerait plus qu’il lui vienne des idées de splendeur !
Coup double
A peine sorti de la superbe réception organisée en son honneur dans un Vaux le Vicomte flambant neuf où toute la Cour s’est précipitée, le rusé monarque (n’a-t-il pas été formé en son temps par le malin Mazarin ?) fait coup double : il neutralise l’éventuel rival… et engage les artistes que le malheureux avait repérés. Pour faire de Versailles le showroom de sa toute puissance et des productions du pays par-dessus le marché : une ode à la force politique, militaire, économique et culturelle de la France qui domine alors le jeu diplomatique européen.
C’est en fait cette histoire que vous racontez, slide après slide, l’histoire d’un dégoût, pire, d’une colère politique, d’un antagonisme largement alimenté par le retors Colbert, couleuvre qui réussit à étrangler l’écureuil Fouquet. De manière détaillée, photographies, vues rapprochées, vidéos ou explications audio, certes un peu monocordes mais toujours fouillées, vous nous expliquez comme le Roi Soleil va reprendre à son compte chaque innovation du petit bijou que bâtit Fouquet.
Une véritable récupération esthétique
Orchestrée par les commissaires Mathieu da Vinha et Lynda Frenois comme un parcours concret, Louis XIV / Nicolas Fouquet, une certaine histoire du goût aborde architecture, décoration intérieure, art des jardins et artistes comme autant de chapitres de ce passionnant récit d’une véritable récupération esthétique à des fins de communication : on y voit progressivement se dessiner les contours d’un patrimoine glorieux, plus encore, c’est l’esprit créatif de tout un siècle qui se génère sous nos yeux.
Ce qui deviendra le ferment du Classicisme à la française fait ainsi la promotion des Le Nôtre, Mansart, Le Vau, Le Brun, Molière, Racine, Lully … avec en marge un La Fontaine ironique en diable qui observe le dépeçage et la mise en coupe réglée de ces créatifs mécénés d’une pupille moqueuse et libertaire. Si l’exposition virtuelle laisse dans l’ombre cette composante stratégique, il n’en demeure pas moins qu’elle met en parallèle les deux univers et la manière dont l’un inspirera l’autre. Cela demeure un point de départ précieux pour quiconque veut explorer cette époque.
Et plus si affinités
Nh’ésitez pas à parcourir l’exposition virtuelle Louis XIV / Fouquet : une certaine histoire du goût sur Google Arts et Culture.