Deux expositions sinon rien ? Et une petite mise en regard qui ne manque pas de sel avec un dialogue entre le très sérieux parcours Décorations présidentielles & diplomatie et New Economy, plus malicieux certes, mais chargé de réflexion.
Décorations présidentielles & diplomatie – Musée de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie
Un titre clair pour une question essentielle en matière de politique étrangère. Car derrière les ornements présentés dans les salles du Musée de la Légion d’Honneur, c’est une facette inconnue du ballet géopolitique qui se cache. Quand, lors d’une visite officielle, un pays étranger décide de distinguer ainsi un président français, c’est un acte fort de reconnaissance et d’alliance. De 1870 à nos jours, l’exposition revient sur le pourquoi du comment de ce geste diplomatique et du protocole qui l’accompagne, récurrent au fil de cinq républiques.
La tradition, qui remonte aux temps de la chevalerie, reprise par Napoléon Ier, perdure encore avec une vivacité dont les bulletins d’information ne témoignent guère, demeurant sur l’anecdotique de l’évènement sans en fouiller les raisons véritables. Cette coutume prend ici corps au travers de quelque 190 décorations reçues par 19 de nos chefs d’État, depuis Adolphe Thiers jusqu’à Emmanuel Macron en passant par Sadi Carnot, Valéry Giscard d’Estaing, François Hollande, Nicolas Sarkozy… Certains ne furent décorés que durant leur mandat, d’autres en dehors également.
Outre leur participation à un processus d’alliance entre deux puissances dont ils concrétisent avec majesté la véracité, on appréciera la beauté des bijoux présentés, leur précision, leur décryptage car tout dans ces médailles, est symbolique, depuis les motifs et les pierres précieuses utilisées jusqu’à la couleur des rubans. C’est donc aussi un objet de très grande valeur qui est remis ainsi qu’un titre, donc un acte d’élévation au rang de… De quoi accroître un peu le prestige de la France ?
New Economy – Sabine Pigalle – Cité de l’Économie
Ce n’est pas la première fois que nous citons Sabine Pigalle dans nos articles. Spécialiste du collage, l’artiste parisienne s’amuse à revisiter les classiques de la peinture de manière espiègle et im-pertinente. Nouveau fait d’arme en date, la série New Economy où elle s’attaque aux augustes profils des dirigeants gravés sur nos pièces de monnaie. Rois, reines, présidents, hommes politiques, scientifiques… tout le monde se retrouve ainsi masqué de belle manière. Car il s’agit d’une réflexion sur la fragilité de nos systèmes financiers et de nos économies par temps de COVID.
La pandémie a en effet mis en lumière les failles d’une globalisation qui s’enraye très rapidement : un confinement massif en Chine, un bateau coincé dans un canal, le climat qui bat la breloque, le tourisme en berne… et nos sous ne valent plus rien ! Nos sous justement : si elle repense la petite monnaie qui traîne dans nos poches, c’est parce que cette dernière disparaît à la faveur de la dématérialisation des échanges bancaires, là aussi avec des fluctuations de valeurs qui font frémir.
En plein essor des bitcoins (qui n’ont pas atteint le pinacle qu’ils essuient déjà les crises successives, avec des fortunes parties en fumée en une journée), l’exposition New Economy se veut ironique : les profils masqués des puissants d’hier et d’aujourd’hui n’ont jamais eu prise sur l’avidité, encore moins sur le fil du temps ; c’est un pied de nez évident à la pompe du pouvoir qui n’échappe pas aux ravages du temps, car à la tête des états, ce sont des hommes qu’on place, faillibles, mortels. Aussi décorés, adulés, respectés soient-ils, ils n’en demeurent pas moins hommes.