Imaginez un prof, français, 29 ans, mignon, maqué, … Léon Vivien mobilisé à l’aube du premier conflit mondial pour partir la fleur au fusil pourrir dans les tranchées… et qui aurait un compte Facebook. Voici le pari lancé par l’agence DDB, 3ᵉ agence de pub hexagonale, qui a tellement flashé sur le musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux qu’elle a mis en place cette campagne de com’ peu ordinaire… et qui devrait faire date.
Une expérience digitale inédite
C’est que notre Léon en raconte pas mal sur son wall, postant photos, documents, caricatures, extraits de journaux, le tout commenté/relayé avec force ironie par ses petits camarades de régiment. «Une expérience digitale inédite » explique le Musée de la Grande Guerre sur son site. Certes, la démarche est osée, … et plait. Relayée par de nombreux médias, likée par 22 000 fans et des brouettes, elle a le mérite de donner un petit coup de fouet à la transmission d’un savoir souvent encrouté par des décennies de programmes scolaires pour le moins poussifs.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si notre narrateur est enseignant. Un prof parachuté au milieu de l’horreur en marche, l’idée est intéressante. De plus, ces messieurs s’expriment dans un français d’époque dont les smileys et les libertés orthographiques sont exclus. Pour être poilu, on n’en est pas moins éduqué. Et voici donc le genre d’échange qu’on relève de loin en loin :
La nécessité de passer la mémoire autrement
Et c’est là que je m’interroge. Ce conflit a reposé sur une base essentielle, à savoir l’absence de communication entre les soldats et leurs familles : les lettres arrivaient au compte-goutte, et cette absence d’échanges fut pour beaucoup dans les mutineries de 1917, mutineries qui furent étouffées par l’état-major et le pouvoir qui n’avaient aucun intérêt à ce que l’opinion publique ait vent de cette sédition. Elle conduira pourtant certains héros devant le peloton d’exécution pour haute trahison. Aurait-il été aussi facile de mater cette rébellion avec Facebook en marche ? Quand on sait que ce média a permis d’informer le monde des révolutions portant le Printemps Arabe ? Y aurait-il même eu un quelconque conflit avec ce réseau en action ?
Ce qui est sûr, c’est que le travail conjoint du musée et de DDB démontre la nécessité de revoir l’approche historique, la préservation et la passation de la mémoire. Initié en 2013, le récit facebookien de Léon dans les tranchées est devenu un livre, un élément supplémentaire de transmission du souvenir destiné aux jeunes générations. Cette campagne particulièrement pertinente est à la hauteur du travail d’immersion opéré par l’équipe du Musée : la scénographie, l’interactivité y sont pensées pour placer le visiteur en situation, en écho avec les récits absolument sidérants de cette folie meurtrière : Remarque avec A l’Ouest rien de nouveau, le film The Trench et sa tranchée hantée, les dessins horrifiques d’Otto Dix…