Lorsqu’il fait jouer son Faust en 1859, Gounod réalise enfin un vieux rêve. Cela fait vingt ans que l’idée lui trotte dans la tête d’adapter la pièce de Goethe pour l’opéra. Et sa version en effet reste fidèle à l’œuvre initiale, par sa démesure, la précision de ses mélodies, la texture de ses sonorités et le respect du thème initial.
En quatre actes, il raconte la tragique histoire d’amour de Faust et Marguerite. Faust, intellectuel vieillissant, déçu de la vacuité du savoir accumulé, qui pactise avec le diable pour retrouver la jeunesse, Marguerite, jeune, naïve, éprise, séduite, abandonnée, sacrifiée. Entre eux, Méphistophélès, le démon tentateur, manipulateur, menaçant. Autour un frère, un amoureux, une voisine et puis la foule anonyme … l’intrigue se vit presque en vase clos, réduite à sa simple expression manichéenne, exprimée au travers de morceaux de bravoure qui ont marqué l’histoire de l’art lyrique.
« Le veau d’or est toujours debout », « Salut ! Demeure chaste et pure », « Ah ! je ris de me voir si belle », « Gloire immortelle de nos aïeux », « Anges purs Anges radieux », voix médiocres et technique inconsistante s’abstenir. Faust nécessite du coffre, de la maîtrise et de l’émotion, pour ne pas dire de la conviction. Beaucoup s’y sont illustrés, et la distribution regroupée par l’opéra de Lettonie pour cette saison 2017-2018 rend hommage au talent du compositeur. Par la précision du chant et la force d’interprétation.
Marina Rebeka en Marguerite, Benjamin Bernheim en Faust, Laura Grecka en Siebel, Andreas Bauer en Méphistophélès, le tout sous la direction de Tadeusz Wojciechowski : autant dire que l’ensemble est éclatant et d’une justesse savoureuse. Il le faut, de par la mise en scène de Aik Karapetian, volontairement dark. Et pour cause, réalisateur d’un film d’horreur THE MAN IN THE ORANGE JACKET reconnu par la critique et primé, Karapetian, situe son Faust entre littérature gothique et cinéma expressionniste allemand.
Costumes, maquillages, attitudes, tout évoque les personnages des incontournables du genre, Le Cabinet du Docteur Calibari, Le Golem, Nosferatu et bien sûr Le Faust de Murnau. Épuré, le décor imite les lignes d’une cathédrale gothique dont l’infrastructure se détache sur des projections imitant vitraux et impressions colorées, quand ce n’est pas le bras du diable qui apparaît soudain en ombre chinoise pour manipuler l’humanité et la réduire à néant. Dans ce monde oppressant, la lumière est rare, et seul la pureté des voix évoque le soleil, l’éclat intérieur des êtres.
Cette approche repense certaines séquences, ainsi l’air des bijoux que Marguerite chante face à un Méphisto en jupons, double corrupteur qui l’attire dans le péché plus sûrement que n’importe quel miroir. Le tout rafraîchit ce livret joué des milliers de fois, mais qui aujourd’hui encore, trouve sens et force.
Et plus si affinités