C’est un événement sans doute mineur au milieu de la déferlante de films projetés actuellement en avant-première mondiale au festival de Sundance. Mais FUCKKKYOUUU, le court-métrage d’ Eddie Alcazar profite de l’exposition médiatique pour s’offrir aujourd’hui une diffusion quasi-simultanée via internet, après une première projection en 2015 lors du festival de l’American Film Institute.
Derrière ce titre provocateur, un objet curieux et plutôt effrayant, mis en musique par Flying Lotus (suffisamment impliqué dans ce projet pour que son logo apparaisse dès le début du générique). Parrain respecté de la scène beat/hip hop instrumental de Los Angeles, on connaît la passion de Steven Ellison pour le cinéma et l’audio-visuel : étudiant dans ses jeunes années à la L.A. Film School, fidèle figurant des récents films de Quentin Dupieux, toujours enthousiaste à l’idée d’illustrer sa musique par des images, en faisant confiance à de jeunes talents venus de l’animation, du cartoon ou du cinéma plus expérimental.
Il abandonne ici ses ambiances de prédilection, pour une mise en son franchement atmosphérique, élégiaque, noisy ou carrément crépusculaire. Comme s’il parasitait un vinyle obscur retrouvé chez un collectionneur gothique. Il faut préciser que les images proposées par Eddie Alcazar n’ont rien d’un trip free-jazz. Avec en préambule, quelques vers de l’auteure du 20ème siécle, Sylvia Plath, ce court-métrage au noir et blanc méticuleux, réveille deux influences flagrantes : David Lynch (période Eraserhead) et les électro-chocs du vidéaste Chris Cunningham.
Comment faire la part des choses critiques devant ces huit minutes, certes délirantes, mais qu’une vision distraite ferait pencher vers le clip 90’s ou la grandiloquence horrifique et organique ? Peut-être en diffusant en boucle FUCKKKYOUUU, sous toutes les coutures, parfois muet, ou juste avec le son. Succomber à ce cauchemar, non dénué d’érotisme, en prise directe avec la nature, la forêt et son inépuisable mythologie du recyclage. Et déceler une autre influence, moins immédiate, où les visions surréalistes de Jean Painlevé abandonneraient la faune sous-marine pour l’humus forestier.