J’y suis allée avec dans l’idée d’assister à des concerts de ouf. Il faut dire que l’’affiche de la 77eme édition était alléchante et j’avais dans le viseur des gros poissons comme New Order, Pete Doherty, Parov Stevlar, Mustang. Je n’ai pas pu en faire un seul. Trop de monde.
Ras de marée le samedi à ne pouvoir approcher de la grande scène à moins de 300 mètres tellement il y avait de public pour Doherty que j’ai vu apparaître sur le grand écran. J’ai donc lâché l’affaire, me rappelant qu’il n’y a pas de hasard et qu’il y avait certainement autre chose à voir dans le parc de la Courneuve. Bien m’en a pris et je suis revenue de mon périple avec deux-trois jolies choses dans ma musette de petite curieuse. Et une redéfinition assez ouverte sur la société et son avenir.
La promenade du week end ?
Et déjà un fait évident, d’ailleurs relayé par d’autres confrères et c’est une très bonne chose : la Fête de l’Huma n’est plus estampillée évènement politique mais s’inscrit désormais comme un évènement culturel incontournable dans le calendrier de la rentrée, qui attire un public nombreux et varié, pas forcément obsédé par les meetings, conférences et autres.
On y vient en famille, en couple, avec les mômes, les potes, pour se balader, retrouver d’autres copains, manger des huîtres, des frites, discuter, se poser, écouter les groupes venus de la France entière dans le sillage des délégations régionales. Bref une balade de WE d’ailleurs épaulée par un chaud soleil d’été.
Un cours d’Histoire … ou de philo ?
Une balade de WE certes mais dans un espace très marqué par l’Histoire, déjà au niveau des rues, toutes baptisées selon le patronyme de grandes figures de la contestation mondiale. Obligé donc de se rappeler ses fondamentaux historiques à chaque carrefour d’une infrastructure qui respecte le même agencement depuis des années.
Sans compter le devoir de mémoire dont les orgas se chargent avec une rare efficacité : l’année dernière célébrait l’anniversaire de la Commune, cette année c’est le cinquantenaire de l’indépendance algérienne qui était mis en avant avec force photos et expos. Un reflet des temps passés donc, souvent zappés des programmes d’Histoire ou évoqués avec un lance pierre.
J’ajoute une impression personnelle qui n’engage que moi, je le souligne, mais que d’autres personnes ont peut-être ressentie : la Mémoire en marche. Exemple avec l’évocation des massacres de Sabra et Chatila : c’était il y a 30 ans, deux camps de réfugiés palestiniens complètement dévastés. J’avais 12 ans lorsque les média ont annoncé la nouvelle. C’était alors de l’actualité ; aujourd’hui c’est inscrit dans le livre de l’Histoire humaine et pas franchement de façon glorieuse. Et la douloureuse prise de conscience que finalement rien ne bouge.
Le village Monde
Rien ? Pas forcément, il suffit d’une après midi dans le Village du Monde pour s’en convaincre : n’oublions pas que la Fête de l’Huma rassemble quelques 80 pays, présents au travers de leurs représentants, de leurs assos. Un gros village donc, conçu comme un bivouac berbère avec tentes, barbecues, banderoles, … une foire sympathique où les musiques et les discussions souvent animées se mêlent dans une joyeuse cacophonie. Costumes traditionnels, plats typiques et problématiques géopolitiques : même la manière de mener les débats nous plongent dans d’autres cultures.
Cette année c’est bien sûr le Printemps arabe qui posait question, avec en perspective le devenir de ce mouvement populaire à l’échelon d’une mer Méditerranée dont on se demande tous quand elle sera enfin unifiée. Et des thématiques de discussion à l’encan : « Qu’est devenu le printemps arabe ? » ou « Méditerranée, quelles solidarités entre les deux rives ? ».
Ou quand la Fête de l’huma désincarcère les problématiques géopolitiques du sérail énarque pour le lancer sur la place publique, auprès de Monsieur Tout le Monde qui est quand même le principal intéressé, il conviendrait de ne pas l’oublier. Et de même avec la question de l’Afrique, continent d’une richesse inestimable, aussi bien au niveau culturel qu’humain et artistique.
La culture au sens large
Eh oui, et on en parle pas assez ce qui est bien dommage, pendant trois jours, le parc de la Courneuve se convertit en foire culturelle internationale. Tout le monde n’y est pas représenté mais 80 nations sur 194 c’est déjà pas mal vous me direz, sans compter le reste. Et au milieu quelques perles culturelles.
Ainsi le Village du Livre, librairie éphémère où se trouvaient plusieurs éditeurs engagés, par exemple Le Temps des Cerises, et qui revenait cette année sur la carrière d’Aragon, disparu il y a 30 ans, et dont il convient d’interroger la modernité. Par ailleurs de beaux sujets de débats notamment « Quelle conception de la République chez Rousseau ? », le devenir de la Beat génération, la littérature à Cuba, la question de la censure, …
Bref des questions et l’art de l’échange remis au goût du jour, jusque dans l’espace Théâtre avec programmés des lectures d’Aragon, anniversaire oblige, les prestations de Philippe Caubère et François Morel, l’actu autopsiée par le verbe incisif de Christophe Alévêque, des contes en pagaille (on sait l’importance de l’apologue dans le processus de prise de conscience des réalités de ce monde sur un registre à la fois ludique et ironique.
Et des coups de cœur pour des étincelles artistiques cueillies ça et là, Khaos, un documentaire sur la crise grecque, « Comme un souffle de liberté ! » – Du 50e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie au Printemps Arabe, une expo impressionnante qui relate les talents de jeunes artistes marqués par ce vent de rébellion, Maroc festivals qui rassemble l’ensemble des festoches musicaux du royaume. Ou tout simplement ces jeunes femmes sarahoui qui dansent sur un chant de leur pays, la voix déchirante du récitant soutenue par les tambours et un riff de guitare électrique.
Mélange des cultures, des civilisations, des époques, annulation des frontières, des barrières des obstacles : de l’utopie ? Non, du simple bon sens. Après tout, c’est peut-être vraiment ça, l’internationale.
Et plus si affinités