On en tire en moyenne 15 000 en France à l’occasion de la Fête Nationale. Celui du Domaine National de Saint-Cloud en septembre est le plus connu dans l’Hexagone. Ils s’invitent dans les spectacles nocturnes du château de Versailles, les concerts de rock comme ceux de Rammstein. On leur consacre des festivals prestigieux comme celui de Sumida à Tokyo ou la « Feria de Julio » à Valence en Espagne. C’est une véritable compétition pour savoir qui tirera le plus beau, le plus spectaculaire à l’occasion du jour de l’An.
Ce n’est rien de dire que les feux d’artifice se sont imposés comme des spectacles pyrotechniques aussi éblouissants qu’incontournables et symboliques. Véritables prouesses techniques portées au rang d’art, ils ont captivé l’humanité depuis des siècles. À la fois fascinants et enchanteurs, ils ont été utilisés pour célébrer des moments joyeux et marquants tout au long de l’histoire. Mais à l’heure de la crise climatique et des baisses budgétaires, le feu d’artifice a-t-il encore un avenir ? Retour sur une tradition séculaire.
Feux d’artifice : un patrimoine séculaire
Point de départ de l’aventure pyrotechnique : l’empire du Milieu. L’invention des feux d’artifice est en effet attribuée à la Chine ancienne, où ils étaient connus sous le nom de « bianhuo » (feu enflammé). Leur découverte remonte à plus de deux mille ans, pendant la dynastie Han, autour du 2ᵉ siècle avant notre ère. À l’origine, les Chinois utilisaient les poudres explosives comme une sorte d’exorcisme, pour effrayer les esprits malveillants. Au fil du temps, ils ont perfectionné leur méthode en mélangeant des poudres à base de soufre, de charbon et de salpêtre, créant ainsi des feux d’artifice aux couleurs et aux motifs variés.
Leur usage s’est répandu au-delà des frontières chinoises grâce aux commerçants et aux explorateurs qui ont diffusé ce savoir-faire au Moyen-Orient et en Inde, puis en Europe. Nous sommes au Moyen Âge, les feux d’artifice sont adoptés pour des célébrations religieuses et officielles, des mariages et des baptêmes royaux, des festivités royales, de grands événements diplomatiques. Ainsi la cour d’Élisabeth Iere sera régulièrement illuminée d’élégantes chorégraphies pyrotechniques, temps forts de spectacles chamarrés où se mêlent la danse, le théâtre, la musique, les défilés, les joutes. Idem pour le mariage de Louis XIII.
Une tradition vivante… et encadrée
De nos jours, les feux d’artifice continuent d’hypnotiser les foules du monde entier. On les utilise toujours pour célébrer ces occasions spéciales évoquées plus haut. Mais avec le temps, cette activité est devenue fortement réglementée.
- Les textes de lois encadrant cette pratique sont légion, les feux d’artifice sont catégorisés, leur usage spécifié, leur vente encadrée selon l’âge et l’utilisation.
- Leur pratique implique une autorisation, idem pour leur commerce qui est réparti entre les fabricants d’artifices de divertissement et les fournisseurs de matière première.
- La profession est aussi encadrée par des syndicats, EUFIAS (European Fireworks Association) pour l’Europe, association des pyrotechniciens français (AF3P) et syndicat SFEPA (Syndicat des fabricants d’explosifs, de pyrotechnie et d’artifices) pour la France.
C’est que la pratique peut s’avérer dangereuse et mérite le plein de précautions. Les accidents se comptent en effet par centaines, débouchant parfois sur des catastrophes. Le mariage de Louis XVI et Marie-Antoinette en 1770 est demeuré dans les mémoires de funeste façon : le feu d’artifice tiré à l’occasion a déclenché des incendies, créant un vent de panique dans la foule. 132 personnes y laissèrent la vie. Les process ont bien sûr évolué ainsi que les techniques de sécurisation : cependant, on dénombre toujours une moyenne de 220 accidents par an, principalement des blessures aux mains, au visage et aux oreilles, brûlures et dommages auditifs en majorité pour un public à 75 % masculin. C’est qu’un feu d’artifice allumé peut monter jusqu’à 400°.
Artificier : un métier exigeant et créatif
Il faut donc utiliser des produits pyrotechniques fiables fournis par des professionnels exigeants. Il convient aussi de les manipuler avec précaution comme l’explique par exemple le Centre d’information pour la prévention des incendies :
- s’informer sur leur usage et leur manipulation
- les stocker convenablement
- respecter les distances de sécurité et les normes de protection
- ne pas les laisser à portée de main des enfants et adolescents.
Pour tout dire, on ne s’improvise pas artificier. C’est un métier exigeant qui allie créativité et maîtrise technique. Les artificiers doivent connaître les différentes compositions pyrotechniques, les normes de sécurité en vigueur ainsi que la législation, tout en étant capables de concevoir des spectacles éblouissants. Leur travail nécessite minutie, patience et une attention particulière à la sécurité. Les artificiers sont des artisans passionnés qui conçoivent et réalisent des spectacles pyrotechniques uniques, mettant en scène des combinaisons de couleurs, de formes et de motifs pour créer des œuvres éphémères qui émerveillent les spectateurs.
Un art qui doit s’adapter
Leurs compétences techniques et leur sensibilité artistique leur permettent de manipuler la lumière et les effets sonores pour raconter des histoires, exprimer des émotions et créer des atmosphères magiques. Un véritable art mis en valeur lors de concours devenus prestigieux, où se pressent les professionnels les plus aguerris comme les passionnés du secteur. qui attirent des passionnés de feux d’artifice du monde entier. Ainsi le Concours International d’Art Pyrotechnique de Cannes qui se déroule chaque été depuis 1967 sur la célèbre Croisette devant des centaines de spectateurs émerveillés. On peut également citer le concours Pyronale de Berlin, le festival Pyromagic, le World Pyro Olympics…
Tout un ensemble d’événements désormais confrontés à des défis de taille.
- Tout d’abord le coût. Selon Capital, un feu d’artifice coûte entre1500 euros pour une version très simple et 200 000 euros pour les grosses agglomérations. À Paris, le feu d’artifice, tiré depuis la Tour Eiffel, est chiffré 700 000 euros, sans compter la mobilisation des personnels de sécurité chargés d’encadrer l’événement. Ces chiffres pèsent sur le budget des communes et des festivals, qui doivent de plus en plus faire appel à des financements privés pour orchestrer des événements dignes de ce nom.
- Ensuite les normes de sécurité de plus en plus exigeantes avec le réchauffement climatique et les risques d’incendie liés à la sécheresse. Comme l’explique BFMTV, «en Île-de-France, une dizaine de communes a fait le choix d’annuler ses spectacles pyrotechniques du 14-Juillet. En cause, un arrêté interdisant « tous types de feux à l’intérieur et jusqu’à 200 mètres des espaces sensibles » et ce jusqu’au 31 octobre 2023, pour éviter les risques d’incendies des bois et forêts ».
- Les risques de pollution : les feux d’artifice libèrent des fumées chargées en nitrate et autres particules nocives, dont de l’arsenic, selon Wikipedia: «En 2003, en Inde, une étude fait à Hisar montre que les éléments pyrotechniques de la fête de Diwali y triplent la pollution de l’air pour les PM10 et le total des particules en suspension. La même année, l’OMS rappelle que l’exposition aux particules (PM) affecte la santé (effets principalement cardiovasculaires et respiratoires)».
Inventés en Chine il y a plus de deux millénaires, les feux d’artifice ont parcouru un long chemin pour devenir une tradition vivante célébrée à travers le monde. Bien que leur utilisation ait évolué, ils continuent de captiver les gens par leur magie lumineuse. Tout en admirant ces spectacles pyrotechniques, n’oublions cependant jamais l’importance de la sécurité et du respect des précautions, ainsi que les défis que cet art va devoir relever pour s’adapter aux contraintes contemporaines et environnementales.
Pour en savoir plus sur le sujet, nous vous conseillons de consulter le Grand livre des feux d’artifice de Didier Brunel.