Avec 5 septembre, le réalisateur suisse Tim Fehlbaum évoque la prise d’otages survenue lors des Jeux olympiques de Munich en 1972, mais du point de vue des journalistes d’ABC Sports, présents sur place. Ce choix narratif semblait de prime abord risqué ; il offre pourtant une immersion aussi saisissante qu’édifiante dans les coulisses d’un événement tragique devenu temps fort médiatique. Le récit met ainsi en lumière les défis éthiques et professionnels auxquels ces journalistes sont soudainement confrontés. Des défis alors inédits, aujourd’hui quotidiens.
Une situation tragique et inédite
Munich 1972 : alors que les JO de la paix se déroulent tranquillement, l’équipe d’ABC Sports se concentre sur la couverture des compétitions sportives. Soudain des coups de feu, répétés déchirent la nuit. En bons professionnels, les journalistes de la chaîne flairent la catastrophe. Très vite l’info tombe : des membres de l’équipe sportive israélienne sont retenus en otages par un groupe de « terroristes », ainsi que les appellent les autorités allemandes, dont une assistante épie les conversations radiophoniques.
Réalisant la gravité de la situation et son caractère tragiquement inédit, l’ensemble du staff se mobilise. Témoins des faits, ils en deviennent le relai en direct, diffusant l’information à l’écran, captant les images, commentant chaque événement. Calmes devant la caméra, fiévreux et en alerte en coulisse. Ne disposant que de moyens analogiques (la pointe de la technologie de l’époque), ils vont devoir redoubler d’agilité, d’inventivité et d’audace pour rester en ligne et informer le public, envers et contre tout.
Date historique, question éthique
Pour nous, coutumiers du smartphone, de l’IA, des autoroutes numériques de l’info, cela semble désuet, pour ne pas dire risible. Mais Tim Fehlbaum se charge de nous rappeler énergiquement que ce 5 septembre 1972 est une date historique, un véritable tournant de civilisation, qui accouche à la fois du terrorisme moderne et d’une nouvelle approche médiatique, les deux se percutant avec une brutalité sans nom. Car l’intérêt journalistique offre aux preneurs d’otage exactement ce qu’ils veulent : un porte-voix, une audience internationale. Un bien pour un mal ? Un mal pour un bien ?
A peine enclenché le processus informatif, les questions éthiques pleuvent, que la team d’ABC Sports doit résoudre sur le tas. Par exemple la diffusion en direct de scènes potentiellement violentes, fusillades, exécutions ou autres. Les journalistes sont confrontés à des décisions cruciales : partager des images choquantes qui pourraient affecter le public ou préserver la dignité des otages et de leurs familles ? Des dilemmes, il va y en avoir d’autres, que le film explore avec une intensité palpable, mettant en lumière les tensions entre le devoir d’informer et la responsabilité morale.
Authenticité maximale, immersion totale
5 septembre est avant tout un film sur l’histoire du journalisme, la manière dont subitement ce secteur bascule dans une modernité sanglante dont elle saisit l’essence au vol, presque par accident. Raconter une histoire dont on ne connaît pas encore la fin, traquer la vérité, la dire avant les autres, mieux que les autres, faire un scoop : Fehlbaum met particulièrement en exergue et avec un rythme trépidant cette chasse au fait d’exception. Pour faire de l’audience bien sûr, mais aussi pour informer au mieux, quitte à prendre des risques.
Pour assurer une authenticité maximale, le réalisateur a consulté les archives d’ABC Sports et a tourné certaines scènes dans des lieux réels ou similaires à ceux des événements de 1972. Les acteurs ont été formés aux techniques de production télévisuelle des années 1970, utilisant des équipements analogiques pour recréer l’atmosphère de l’époque. Le grain même de l’image, les cadrages, les couleurs évoquent la texture particulière des images télévisées d’alors. Cette attention aux détails accentue l’impression d’immersion totale, la tension et l’urgence propre à cet événement.
Thriller historique, 5 septembre offre une réflexion profonde sur le rôle des médias en période de crise. Désir d’informer, de diffuser la vérité, captation d’un moment historique, risque de choquer, d’exploiter la souffrance, de racoler le public : la situation de l’équipe d’ABC Sports synthétise cette ambiguïté. Ces problématiques médiatiques, ces choix éthiques sont toujours d’actualité, de même les conflits qui les génèrent. À travers une reconstitution minutieuse et une narration tendue, ce film coup de poing invite le spectateur à explorer ce qui relève d’un choix cornélien.
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