Le 29 janvier sortira sur nos écrans la rétrospective consacrée à Bo Widerberg. Passionné de cinéma, critique perspicace, cet admirateur d’Igmar Bergman n’hésitera pourtant pas à dénoncer la platitude servile du cinéma suédois assujetti à l’esthétique du maître pour ensuite proposer des films largement impactés par Truffaut, Godard, Demy … ou Cassavetes.
De fait Le péché suédois (1963), Elvira Madigan (1967) et Adalen 31 (1969) qui composent cet hommage vont faire date en consacrant le réalisateur à l’échelon international, lui ouvrant notamment le chemin vers les USA et leurs plateaux de tournage. Trois histoires d’amour difficiles, dans trois époques instables, marquées par les guerres, les conflits, les mutations et qui se concentrent sur les rapports humains dans une recherche d’intimité et de simplicité d’une très grande émotion.
Elvira Madigan se situe à la fin du XIXeme siècle et nous raconte l’histoire d’amour fou et tragique du comte Sixten Sparre et de la funambule Elvira Madigan. Une histoire vraie qui conduira l’aristocrate à quitter femme et enfants, à déserter l’armée, pour fuir avec la belle, elle-même quittant son cirque, son public, ses amis. Une fuite éperdue vers un bonheur impossible, dans la peur, la misère et dont la seule issue sera la mort.
Une histoire très connue en Suède où le couple, aujourd’hui encore, fait figure de Bonnie et Clyde nationaux. Une histoire que Bo Widerberg choisit de tourner en couleurs, contre les conventions de l’époque qui privilégient le N/B pour les drames. Le résultat est éblouissant, une ode à la vie, sertie de nuances chaudes, ensoleillées, des paysages magnifiques, bucoliques et tranquilles, qui se détachent comme certains crépuscules de Friedrich.
De même les corps, les visages, les attitudes semblent des portraits de Renoir, une fête impressionniste qui rehausse la complicité des deux amants en cavale, soulignant la simplicité, la force de leur engagement. Nous les voyons dénouer un à un les liens qui les rattachent à leur ancienne vie, les boutons et cordon d’officier abandonnés dans un champ, les derniers pas accomplis sur une corde de fortune, les économies qui diminuent, les amis qu’on délaisse, les baies sauvages et toxiques qu’on avale dans la forêt faute de nourriture.
Jusqu’à ce dessin d’Elvira, tracé par un artiste infirme et nain, dans un bistrot parisien, signé du glyphe de Toulouse Lautrec et que la jeune femme vendra à la sauvette, sans savoir le trésor qu’elle recèle et qui pourrait la sauver. Notons l’interprétation passionnée de Pia Degermark, d’une blondeur angélique, aux traits fins, au regard intense, qui se reflète dans celui de Thommy Berggren, acteur fétiche de Widerberg et qui campe un amant sincère, bouleversé.
Les accords harmonieux du 21eme concerto de Mozart parachèvent ce récit tout en nuances, qui jamais ne juge, isole les amants dans un halo sensuel, pourtant pudique, candide, absolu. A ce titre Elvira Madigan est un chef d’œuvre esthétique qu’il convient de voir. une illumination.
Et plus si affinités