Les Damnés – Visconti : récit d’une désintégration familiale sous le IIIe Reich

The Artchemists Les Damnes Visconti

Les Damnés : un film culte en mode coup de poing. Ce sans faute cinématographique signé Luchino Visconti (l’un des plus grands réals italiens de l’après-guerre et un génie à mon sens) relate en 150 minutes et en Technicolor la lente et irréversible dissolution d’une grande famille industrielle allemande au moment où Hitler prend le pouvoir.

Film historique ou saga ?

Tout commence sur fond d’anniversaire du patriarche, avec le clan rassemblé autour de la longue table de la salle de réception. L’Ancien ne passera pas la nuit, mystérieusement assassiné alors que le Reichstag brûle. Nous sommes en 1933 ; d’un coup d’un seul, tenants de l’ancienne Prusse et piliers de la république de Weimar s’effondrent, laissant place à la tornade brune qui plongera le monde dans un cauchemar long de 12 ans.

Film historique donc ? Fresque plutôt, saga, malédiction même. Car Visconti va, séquence après séquence, dans une atmosphère de huis clos étouffante et avec un luxe de détails, démonter les mécanismes pervers qui, en détruisant une cellule familiale pourtant puissante, vont contribuer au démantèlement d’un système social, d’une économie, d’une culture. Le tout avec la perspective d’un Reich érigé pour 1000 ans sur les épaules d’une génération de soi-disant surhommes qui sont en fait des monstres de sadisme froid et calculateur.

Une histoire de pouvoir et d’argent

L’effroi total qu’on ressent ennregardant ces images, le metteur en scène en amplifie la portant en exploitant les codes de la tragédie. Les Atrides, Macbeth, Lorenzaccio ? Les thèmes les plus virulents se mêlent dans des scènes qui confinent pour certaines à la folie : ainsi l’évocation de la Nuit des Longs Couteaux où Hitler fait exécuter tous les SA,et qui débute par une orgie débridée pour terminer dans un bain de sang ; ou la séquence de viol incestueux, qui plongera la très manipulatrice Sophie Von Essenbeck dans une démence de dimension shakespearienne tandis que son fils, devenu l’un des pontes de la SS, durcit son visage comme une statue de vengeur antique.

L’ensemble commence et finit dans un générique assourdissant, où explose le métal en fusion des aciéries familiales. Tout est dit : ce gâchis épouvantable est histoire de pouvoir et d’argent.

On aime :

  • la marche inéluctable du scénario
  • le casting époustouflant (Dirk Bogarde notamment ainsi qu’Ingrid Thulin et Helmut Berger)
  • la manière dont références historiques et tragédies humaines se répondent et s’enchevêtrent
  • les cadrages dérangeants qui ajoutent à la malsaine ambiguïté de certaines situations
  • le travail des photos et des couleurs qui flattent les visages autant qu’ils les mutilent
  • le souci du détail jusque dans les accessoires, une fleur, un collier, un verre …

Jusque dans son titre, Les Damnés portent la malédiction d’une époque. Et l’explique.

Et plus si affinités ?

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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