Dans la série « film culte à revoir régulièrement »,Das Boot s’inscrit comme une évidence. Quand j’ai découvert ce véritable chef-d’œuvre dans sa version série TV (le film a connu plusieurs déclinaisons et longueurs), j’étais ado et cela m’avait fortement marquée. Je viens de le revoir dans sa version initiale de 1981, et force est de constater que Das Boot n’a rien perdu de son punch ni de sa portée.
Sous-marin en mission
Das Boot, donc, le bateau. Soit l’odyssée d’un équipage de sous-mariniers allemands en mission. Nous sommes fin 1941, l’objectif est de harceler les convois qui ravitaillent l’Angleterre. Une évidence sur les ordres émanant de l’état-major, un challenge de chaque instant quand on se retrouve sur le terrain. Car le moins qu’on puisse dire, c’est que ces messieurs naviguent dans des conditions surréalistes de précarité, à bord d’une boite de conserve qui tient la pression on ne sait par quel miracle.
Malgré tout, ces gaillards emmenés par un capitaine qu’ils adorent (magistral Jürgen Prochnow), vieux loup de mer qui manœuvre comme il respire, et dont l’expérience va les tirer de bien des mauvais pas, vont trouver le moyen de commettre quelques faits d’arme et de revenir intacts ou presque à la Rochelle … quoi que … ne spoilons pas la conclusion de cette épopée, mais autant vous dire qu’elle vous collera une bonne claque dans la gueule. Comme le reste du film qui prend aux tripes du début à la fin. Car, adapté du roman du même nom signé Lothar-Günther Buchheim, le film sonne particulièrement vrai et pour cause.
Excitation et trouille
Buchheim y a rapporté sa propre expérience en la matière, quand il était correspondant de guerre à bord des U-96 de la Kriegsmarine. Et le réalisateur Wolfgang Petersen sait y faire pour restituer la véracité particulièrement pénible de l’expérience : précarité des installations, promiscuité insupportable, anxiété constante … les détails sont précis, la focale sur les personnages ajoute à ce sentiment d’angoisse permanent. Et d’ennui. Contraints à une longue traque, tous ce petit monde s’emmerde ferme enter deux assauts. Et cela pèse lourdement sur les relations humaines.
Relations d’où le fanatisme nazi est comme évacué. Confrontés aux dures réalités du combat en mer, ces messieurs ne peuvent s’offrir le luxe d’une idolâtrie aveugle. Ils manquent de tout, travaillent dans des conditions déplorables, sont magnifiés par la propagande comme des héros, mais complètement négligés par une hiérarchie qui les envoie à l’abattoir sans scrupules. Et s’ils ressentent l’excitation de la chasse, ils savent aussi la trouille d’être descendus pas l’ennemi qui ne leur fait aucun cadeau.
Message antimilitariste
Ils savent aussi l’horreur de la mort en mer, déchiquetés dans les explosions des torpilles, brûlés vifs par les nappes de pétrole en feu, asphyxiés lentement au fond d’une cale qui se remplit d’eau alors qu’on a sombré au fond de l’abîme. Ils le savent, le redoutent, l’acceptent difficilement. Très intelligemment, le film met en évidence un écœurement dans lequel on tombe très vite quand on est confronté au réel. Pour nous y aider, le personnage de Werner, jeune lieutenant et journaliste qui doit raconter cette mission et qui découvre effaré de quoi elle est véritablement faite.
Récapitulons : Das Boot est un film incontournable, l’un des meilleurs sur le sujet certes, mais également une dénonciation des atrocités de la guerre, un message antimilitariste d’une rare éloquence, qui interroge les limites d’une humanité confrontée à un enfer quotidien qu’elle n’a pas choisi d’affronter. La véritable victoire ici n’est pas de vaincre mais de survivre. Envers et contre tout, même la fatalité.