La guerre, son atrocité surréaliste, son absurdité sanglante, son néant intellectuel, sa grande capacité à ramener l’humain au niveau de la larve : le théâtre du Mal absolu qui dévaste l’humanité, les quatre Cavaliers de l’Apocalypse lâchés sur terre. Depuis des siècles, le surnaturel sert à expliquer l’atroce. Sorti en 2002, le film Deathwatch exploite cette thématique avec un sursaut de cruauté ignoble, qui glace le sang par sa justesse.
Tranchées abandonnées
Nous sommes en pleine Première Guerre mondiale. Après un assaut nocturne particulièrement sanglant, une compagnie britannique, perdue derrière les lignes allemandes, découvre un mystérieux réseau de tranchées abandonnées. Elle pense y trouver un refuge momentané. Mais très vite, les soldats s’interrogent : l’endroit est-il vraiment abandonné ? Quelle puissance rôde autour d’eux qui les massacre petit à petit ?
D’où vient cette terreur qui les submerge ? Le fruit de leur imagination impactée par l’épuisement des nerfs ? Ou bien une force maléfique est-elle à l’œuvre qui les pousse à la folie la plus destructrice ? Incapables de saisir la nature de ce qui les entoure, les survivants vont devoir affronter leurs ténèbres intérieures.
Détresse émotionnelle
Ainsi, Deathwatch use de l’horreur mémorable des tranchées de 14-18 comme toile de fond pour un conte noir de terreur psychologique, une histoire de tranchée hantée au pouvoir dévorateur. Fusionnant les univers d’Edgar Allan Poe et de Erich Maria Remarque, le scénariste et réalisateur Michael J. Bassett distille une atmosphère oppressante et malsaine dès les premières images (qui détaillent la terreur s’emparant des soldats avant de charger).
Le récit décortique la manière dont l’effroi s’empare des soldats qui au lieu de s’épauler face à l’adversité, vont s’entretuer. La peur va exacerber les rivalités, la violence interne, autant d’ondes destructrices dont semble se repaître une puissance démoniaque avide de mort. Les performances des acteurs, notamment Jamie Bell ( le héros de Billy Elliott) et Andy Serkis (futur Gollum), ajoutent à la détresse émotionnelle de personnages dévorés par leurs propres démons intérieurs.
Deathwatch s’impose comme une œuvre intéressante et atmosphérique, offrant une perspective unique sur les horreurs de la Première Guerre mondiale et les peurs humaines. En mariant l’horreur psychologique et les éléments de guerre, Michael J. Bassett accouche d’un film d’une efficacité notable, qui par bien des côtés évoque la littérature gothique.